La sentence est immédiate, nette et franche. La scène inaugurale de Vandal, premier long métrage de Hélier Cisterne, a lieu dans le bureau d’une juge des enfants (Corinne Masiero) où la mère de Chérif (Marina Foïs), livide et abattue, reconnaît ne plus être capable de s’occuper de son fils. Il devra alors partir, quitter son petit frère, et aller s’installer chez son oncle et sa tante à Strasbourg, où vit également son père. A quinze ans, le jeune garçon a déjà commis quelques menus forfaits, suffisants pour lui offrir les solutions habituellement proposées à ceux que l’on nomme délinquants. Chérif (Zinedine Benchenine) fera un CAP maçonnerie, que cela lui plaise ou non, marchant bien malgré lui dans les pas de son père (Ramzy Bédia). Mais la vie du garçon va prendre une tout autre tournure, lorsque son cousin et ses copains lui feront découvrir leur passion pour le graff et la rivalité qu’ils nourrissent à l’égard d’un mystérieux Vandal.
L’habit ne fait pas le moine, la maxime résume largement ce que tâche de nous dire Hélier Cisterne, qui met en scène et dos à dos un prétendu enfant de chœur et une petite frappe douce comme un agneau. Ces ficelles, bien trop grosses pour passer inaperçues, le réalisateur les tire avec maladresse, et dévoile un propos éminemment didactique, frôlant parfois la leçon de morale. La tournure dramatique et très attendue que prendra le récit souligne grossièrement la question de la frontière entre bien et mal, qui travaille le film de part en part. On n’est donc nullement surpris de voir la place que prend le thème de la subversion, déclinée dans sa version nocturne qui plus est… Thomas (Emile Berling) et sa fine équipe partent à l’assaut des terrains vagues et des gares de triage pour couvrir les murs décrépis de leurs lettres de noblesse, et entraînent le jeune Chérif qui, très vite, apprend à aimer cet art. Le sujet manque d’originalité il est vrai, mais son traitement esthétique est l’occasion de voir quelques belles scènes de work in progress aux gestes sûrs et amples, qui restituent l’urgence et la crainte d’être pris sur le vif.
A mesure que les murs de la ville prennent des couleurs flamboyantes, Chérif les édifie tant bien que mal, étouffé par un père dont il refuse l’aide et l’affection trop tardives. C’est alors que le garçon se révèle discrètement, le réalisateur trace ses contours au fur et à mesure des scènes – une conversation par Skype avec son petit frère, un impossible dialogue avec sa mère, une fête d’anniversaire simple et touchante où l’innocence n’a pas encore tout à fait quitté le garçon – pour faire surgir sa silhouette de l’ombre dans laquelle elle était plongée jusqu’alors. Mais c’est sans doute l’amour naissant de Chérif pour Elodie, une jeune fille de sa classe, qui confirme sa marche constante et résolue vers la lumière. Cette rencontre en dit aussi beaucoup sur la précision avec laquelle Hélier Cisterne dépeint son personnage principal (Zinedine Benchenine est superbe), et la délicatesse avec laquelle il capte des moments furtifs d’intimité, qui révèlent et magnifient son héros.