Restauration impressionnante réalisée en 2015 par la fondation Murnau et le Filmarchiv de Vienne (le piqué du regard sur les plans serrés !). Le mélodrame reste très classique, quoique marqué par un réalisme social intéressant (couple de forains dont le désir mutuel s'est éteint pour avoir été contraint de tourner le dos à ce qui faisait le sel de leur existence, l'acrobatie; regain de vitalité offerte à lui par le biais de la rencontre; morale chrétienne punissant l'adultère d'une part - un large crucifix domine le bureau du procureur au début - et déterminisme induisant l'impossibilité de quitter sa condition sociale - la cupidité étant très secondaire). Dommage que le film ne montre pas assez la joie renaissant dans les airs, très vite on plonge dans ce qui fait l'essentiel du récit, à savoir l'espoir illusoire d'accéder à la "grande vie" que nourri le rôle du célèbre Artinelli. La mise en scène est magnifique, grande richesse des valeurs de plan et multiplication des angles de vue, séquences en extérieur, montage efficace et épuré digne de plus beaux représentants de la fin du muet, soucis graphique régulier (la cour de prison où les prisonniers tournent en ronde, la chute finale dans l'escalier...), audaces visuelles et ponctuellement abstraites (acrobaties aériennes avec ce magnifique plafond lumineux évoquant une voute céleste, vertiges mentaux éprouvés par Emil Jannings...). Après il y a toujours des longueurs et des lourdeurs (le dessin sur la table esquissant les deux amants et le cocu montrés 4 fois avant que Jannings ne vienne le découvrir, la scène finale trainante où il règle son compte au moustachu dans sa chambre...). Emil Jannings est remarquable, souvent sobre dans son jeu, sauf dans certaines scènes qui n'échappent pas aux principes fondamentaux du muet. Très très peu d'intertitres, toute la narration est visuelle.