Ne vous fiez pas au titre français ‘Varsovie 83, une affaire d'État’, il est un peu didactique. Le titre anglais et le titre polonais est ‘Leave no trace’ et est beaucoup plus représentatif du film. En effet, ce thriller judiciaire est tout à fait haletant, rondement mené et passionnant.
En Pologne communiste en 1983, durant l'oppressante loi martiale décidée par le général Jaruzelski, la Milice citoyenne tue un citoyen, fils d'un soutien à Solidarność. Les autorités tentent d'empêcher un procès accablant. Le seul témoin et amant de la victime du passage à tabac devient l'ennemi numéro un de l'État.
Le film vaut en premier lieu pour son implacable démonstration de ce qu’était la Pologne dans les années 80. Le pays ne faisait pas partie de l’URSS, mais l’on ne peut pas s’empêcher de faire le rapprochement avec la RDA et Berlin Est. La Pologne est un régime communiste mais est surtout sous la coupe d’une police d’Etat semblable à la Stasi. Une police qui a plus ou moins tous les pouvoirs : ceux de mettre sur écoute n’importe qui, d’arrêter sans réels motifs, de mettre en œuvre tous les moyens lors d’interrogatoire. Les arrestations arbitraires sont légion et on retrouve le climat plus qu’inquiétant ou tout le monde est suspect. On est également témoin des interrogatoires musclés, donnant lieu à d’absurdes aveux obtenus en poussant à bout les suspects.
Le thriller judiciaire est rondement mené. Le cinéaste nous détaille tous les détails de l’enquête et de la procédure judiciaire, jusqu’aux magouilles du ministère de tutelle de la milice tentant d’étouffer les preuves irréfutables. On voit les différentes parties prenantes : de l’avocat, aux procureurs, des fonctionnaires aux ministres. Cette affaire d’état n’est pas sans rappeler les films d’Yves Boisset ou de Costa-Gavras sur le fond, dans le genre des films dossiers à sujets dénonçant les faillites d’un état ou ses malhonnêtetés. Mais sur la forme, le film fait penser aux films chocs d’Alan Pakula pour l’aspect enquête (Les Hommes du président, entre autres) ou l’enquêteur serait le spectateur. Complexe, le film (ou l’affaire) mobilise sans cesse son spectateur tout le long de ces 2h30. Pas un seul moment de répit, ni d’ennui.
Le film propose d’ailleurs un panel intéressant de la population et de son rapport au pouvoir. Il y a la mère, une intellectuelle (de gauche) proche de Solidarność. Il y a le témoin/amant plus idéaliste de part sa jeunesse est en quête de liberté et conteste le pouvoir en place. Il y a aussi les parents du témoin qui habitent hors de Varsovie et qui ont une relation et qui ont un rapport plus ambigu au pouvoir. Le film est d’ailleurs intelligemment scindé en deux parties : la première se centre sur la mère, la deuxième sur la famille du témoin. J’ai trouvé la seconde partie passionnante et d’une grande richesse psychologique. En effet, le père est vraiment un personnage trouble. D’un point de vue affectif, il est à la fois brutal avec son fils, mais parfois tendre. Mais, il est surtout assez équivoque quant à son rapport au pouvoir en place. Ancien militaire ou policier, il est tenté par la collaboration avec l’état pensant sauver son fils tout en trouvant par instants que la milice va trop loin. Au fond, il ne souhaite pas faire de vagues. Sa passivité est évidemment source de conflit avec son fils en lutte contre le régime. Le film montre bien le conflit de génération.
‘Leave no trace’ ou ‘Varsovie 83, une affaire d'État’ est un film passionnant et très riche d’un point de vue politique, judiciaire. Rondement mené et impeccablement interprété, le film va vous passionner. Les 2h30 passent à toute vitesse.