Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce fameux opus de Tourneur repose sur un scénario très curieux qui le déséquilibre malheureusement bien trop.
Comme si le producteur demandait tout et son contraire à ses scénaristes puis son cinéaste avant de jouer encore des ciseaux au montage.
Le début est ainsi un quasi décalque de Jane Eyre avant de basculer dans le pur fantastique pour conclure sur un réflexion sur l'opposition (ou non) entre science et foi. Mais les différents virages oublient souvent ce qu'il y avait dans la ligne droite précédente. Ainsi l'histoire d'amour de l'infirmière n'est non seulement à peine survolée mais tout simplement oubliée en cours de route et n'a finalement aucune réelle influence sur la trame principale.
Il y a vraiment 2-3 moments où j'avais l'impression que le projectionniste s'était embrouillé dans l'ordre des bobines tant certaines transitions sur rudes et brutales. Ca aurait pu s'avérer payant si ses ellipses et ses changements de direction auraient servi le sentiment de perte de repère, de mystères flottants ou de réalité fuyante.
Pour le coup, on sent vraiment que les 68 minutes sont trop courtes et ne devaient pas nécessairement être prévu lors de la conception du film. On a donc plus le ressenti d'être devant une ébauche ou un brouillon qu'un œuvre aboutie.
C'est forcément frustrant car visuellement et thématiquement, le film de Tourneur ne manque pas d'allure et bénéficie d'un esthétique remarquable avec sa photographie quasi expressionniste (malgré une copie 35mm de la cinémathèque trop sombre), son atmosphère à la lisière du songe et des visions toujours saisissantes plus de 60 ans après sa réalisation comme toutes les apparitions de ce mort-vivant noir squelettique et aux yeux exorbités. Cette peinture du de la sorcellerie voodoo est d'ailleurs ce qui m'a pratiquement le plus plu. Tourneur a l'air de respecter les « paiens » qu'il filme, loin de du folklore exotique qu'on trouve généralement dans ce genre de production. Ca ne sonne pas la récréation de pacotille. Par exemple, lors de la scène de la danse, on ne sent pas de « chorégraphe » derrière les mouvements des femmes mais quasiment une transe palpable.
Malgré sa beauté et une une demi-douzaine de séquences aussi hypnotiques qu'angoissantes, je suis sorti de la salle fortement mitigé.

anthonyplu
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le 24 nov. 2017

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anthonyplu

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