Velvet Buzzsaw (2019) est un film d'horreur écrit et réalisé par Dan Gilroy (son deuxième film après Nightcrawler, 2014, que je n’ai pas vu). Enfin, je devrais parler plutôt de comédie horrifique, à cause de sa satire acerbe d'un milieu artistique abscons, vain et ridicule. La séquence d’ouverture, hilarante d’absurdité, aurait eu sa place dans Musée Haut, Musée Bas de Ribes (la pièce, je ne connais pas le film). Puis, assez rapidement, le film glisse dans un registre horrifique mais surtout romantique —attention, pas au sens Coup de foudre à Notting Hill, hein, soyons sérieux—. J’ai beaucoup pensé à La Venus d’Ille, de Mérimée, et évidemment au Portrait de Dorian Grey de Wilde.
Ainsi, en mélangeant deux styles (satire et romantisme, pour les deux du fond qui n’ont pas suivi) inattendus, Velvet Buzzsaw s’annonce d’emblée comme un ovni cinématographique. En témoigne son titre pour le moins oxymorique. Si ces approches ne semblent pas s’accorder naturellement —le romantisme étant assez peu réputé pour son humour—, Dan Gilroy nous montre qu’un équilibre peut exister. L’idée me plait beaucoup. Après, reste à savoir si cette démarche de funambule convainc ou se casse la figure. Et là, je suis franchement plus circonspect.
D'un strict point de vue de construction narrative, je trouve que si la collection de personnages est intéressante, elle a tendance à éparpiller l’histoire. J’ai du mal à comprendre l’importance accordée aux personnages de John Malkovitch (Piers), Toni Colette (Gretchen) ou encore Tom Sturridge (Dondon). Au passage, heureusement que les acteurs assurent, et en particulier un Jake Gyllenhaal délicieusement truculent. D’autant plus que l’histoire elle-même est sur certains points un peu bancale.
Pourquoi les personnages principaux sont-ils les derniers à mourir alors que ce sont les premiers à profiter des oeuvres d’arts de Dease ? Pourquoi certains meurtres sont commis par d’autres oeuvres qui n’ont rien à voir ?
Et c’est assez étonnant car à la base, Dan Gilroy est scénariste. D’un autre côté, il a écrit Real Steel et The Bourne Legacy, donc faut peut-être pas trop en demander (?).
Au niveau de la réalisation, je pense que Dan Gilroy a essayé de retranscrire l'art dans ce qu’il peut avoir de beau et, parfois, d’absurde. On a quelques plans fort joliment composés, avec une élégante palette de couleur mais aussi une série d’essais cinématographiques à usage unique assez hétéroclites : plan débullé, en mosaïque, courte focale, en accéléré, travelling circulaire… Certains permettent de faire le lien, évidemment, avec le cinéma d’horreur. Mais si c’est parfois réussi, c’est souvent raté, en particulier justement dès que Gilroy se rapproche de l’horreur, quand il nous sert sans recul une soupe de gimmicks éculés.
Un mot enfin sur les sous-titres français de Netflix, qui ont été faits je pense par un stagiaire qui a mis la main sur le Dico des Faux Amis. Je retiens entre autres “tissues” traduit par “tissus” (et non “mouchoirs") et “we were wasted” par “c’était du gâchis” (et non “on était bourrés”). Je suis même retourné en arrière pour revérifier tellement je n’en croyais pas mes oreilles. Franchement, je ne comprend pas comment ça a pu être validé.
Bref, Velvet Buzzsaw est un étrange numéro d’équilibriste. La démarche est intéressante, et fonctionne parfois, mais il y a trop de faux-pas pour gagner mon enthousiasme. Comme souvent pour les films Netflix.