Vendredi soir
5.8
Vendredi soir

Film de Claire Denis (2002)

Voici un film pleinement troublant dans sa portée abstractive, long métrage usant de moyens techniques simples mais constamment maîtrisés, principalement dans cette incroyable science du cadre dans laquelle excellent Claire Denis et sa chef opératrice Agnès Godard : comme tirés au cordeau, toujours à bonne distance du visible tout en mettant en valeur les comédiens filmés les cadrages de ce Vendredi soir sont comme autant de petits écrins capables d'alimenter cette ballade nocturne... l'ensemble incarné par le tandem Valérie Lemercier - Vincent Lindon avec un professionnalisme tout à fait honorable. Du très bon travail de forme, par conséquent.


Hélas Vendredi soir, bien qu'audacieux sur de nombreux plans, s'avère être une oeuvre tournant à vide le plus souvent, certes moins plate dans ce qu'elle cherche à dire que dans ce qu'elle narre mais beaucoup trop sommaire pour susciter autre chose qu'un ennui relatif. En effet Claire Denis parvient, en posant les trois règles d'unité de la tragédie, à dilater la substance temporelle de son drame vespéral tout en conservant d'un bout à l'autre une certaine soutenance dans son rythme. Puisqu'il faudra attendre une bonne demi-heure avant que le noeud dramatique majeur du scénario se manifeste ( suite à une très longue séquence d'embouteillage entrecoupée d'incongruités et d'onirismes en tous genres : ellipses, projections mentales, effets visuels aux confins du burlesque...) la cinéaste en profite pour installer d'emblée une imparable temporalité subjective, temporalité en total décalage avec celle, plus rétrécie, de la diégèse déjà présente dans le titre. Vendredi soir lasse parfois par son inextinguible langueur et sa longueur paradoxale, comme un film relevant de la pure vision fantasmée qui dynamite les espaces-temps...


La sensibilité féminine de Claire Denis, son érotisation permanente du couple improvisé dans la dernière partie du métrage, donnent une regrettable impression de déjà-vu chez la réalisatrice de Beau Travail et de Trouble Every Day ( viriles accolades par-ci, dévoration charnelles par-là...) et surtout une certaine lourdeur dans l'épure accouplée à la redondance : musique peu attrayante voire indigente, incessantes scènes d'ébats amoureux dans les chambres d'hôtel, etc... Reste un drame intriguant dans son humeur trouble mais sans action véritable, qui laisse définitivement sur sa faim.

stebbins
6
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le 20 sept. 2015

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