"Venez voir" est un film minimaliste.
Deux couples d'amis trentenaires empruntent des chemins différents, dans un contexte de crise sanitaire.
Le premier reste en ville, à Madrid. Le second s'installe à la campagne. Une tension naît de ces choix divergents.
Le film se veut frugale et taiseux. Il se compose de deux parties, à huis clos. Il est lent et très court (seulement 1h04).
Il a tous les attributs d'une œuvre sobre et originale, et pourtant.. il transpire le luxe (relatif) de l'entre-soi d'une classe sociale, certes pas des plus dominantes, mais à très fort capital culturel.
La première scène plante le décor. Dix minutes de piano jazz entremêlées de plans serrés sur des visages beaux et immaculés.
Vin rouge, bibliothèque garnie, maison héritée dans la pampa, esprits cultivités constitueront le décor du reste du film.
L'entre-soi que l'oeuvre donne à voir est presque parfait. Elle semble avoir été conçue en circuit fermé : elle traduit la position sociale du réalisateur, donne à voir des personnages dans cette même position, et s'adresse enfin à des spectateurs de cette position là.
Elle finit d'ailleurs par se regarder elle-même, dans une scène donnant à voir le film en train de se faire...
Un malaise et un arrière goût fade s'installent. Soit le specteur s'identifie, et peut entrevoir dans ce décor et ces personnages stéréotypés la monotonie de sa propre condition d'existence. Ou bien s'auto-satisfaire d'une esthétique qui lui est familière...
Soit il ne s'identifie pas, et peut y trouver des objets désirables ou repoussoirs. Ou bien se sentir intrus dans la salle de cinéma...
Par delà le fait que le film soit très "situé" socialement, le réalisateur réussit à suggérer avec subtilité certains ressentiments universels (l'anxiété, la jalousie, le désir, la joie, etc...). Il n'est donc pas totalement inintéressant.