On ne le redira jamais assez : Johnnie To est LA référence du polar « made in Hong-Kong », passé depuis parmi les plus grands maîtres du formalisme. A ce titre, ce "Vengeance" est une nouvelle claque cinématographique qui vient nous le rappeler. Pour les néophytes, l’immersion risque d’être brutale tant le sens du cinéma chez To est sec, épuré et tellement direct dans ses intentions. Rien à redire d’ailleurs sur les deux premiers tiers. Le spectateur est caressé dans le sens du poil : intrigue limpide, visuel captivant, rythme soutenu, et tension dramatique croissante. Tant de qualités qui contribuent malheureusement à générer une certaine déception pour le final. C’est que, tellement soucieux qu’il est d’exceller plastiquement, To finit par s’empêtrer dans ses effets de style et en perd presque l’essentiel : son sujet. Et c’est bien cela le problème avec ce "Vengeance" : en oubliant un instant que la base d’un film est de raconter une histoire, ou de cerner une émotion, le maître du polar esthétique lâche le fil d’Ariane trop tôt et laisse son film s’égarer dans le simple effet de style pour le seul effet de style. Alors oui, c’est vrai que le plaisir d’un To relève surtout de la forme, mais il n’en reste pas moins que c’est quand il a le plus ménager le fond de ses fresques qu’il s’est envolé le plus haut. Dommage car pour beaucoup, cela suffira à ce que la magie n’opère plus, et To méritait pour son exposition cannoise finalement mieux, et sur certains points nous aussi d’ailleurs…