Hôpital des damnés
Glacé, sombre, magnifique sur le plan visuel, une sorte d'accomplissement de l'esthétique que Costa a développé depuis Ossos -, mais d'un autre côté, très surprenant, tout en changements de rythmes...
Par
le 10 déc. 2018
9 j'aime
Il y a dans Horse Money une symbiose particulière entre les espaces filmés par Pedro Costa et les dialogues des personnages. J’entends par cela qu’il existe une interconnexion totale entre les lieux et la parole, ils se répondent, vivent entre eux. Le réalisateur construit sa mise en scène autour de la parole de ses personnages, en particulier sur celle de Ventura, la mémoire du personnage s’approprie l’espace. Cette idée de mise en scène s’exprime par une obscurité intense de l’image, qui ne laisse apparaître seulement quelques faisceaux de lumière. En plus du récit quelque peu morcelé, le spectateur est forcé de suivre les dires de Ventura pour identifier un lieu, puisque l’obscurité de l’image ne nous permet pas de l’identifier, nous devons le construire sur la mémoire de Ventura, c’est sa parole qui nous guide sur la représentation du lieu.
La mémoire de Ventura est omniprésente dans l'œuvre de Pedro Costa, par l’expression de sa mémoire, le réalisateur laisse s’exprimer la mémoire des immigrés capverdiens de la révolution des œillets. Ventura n’est plus que l’ombre de lui-même, vêtu de son pyjama rayé, il erre au sein de sa communauté, presque totalement effacée, condamné à sillonner les mêmes lieux, qui lui ont fait perdre son identité. Le réalisateur conçoit une esthétique d’emprisonnement : plans fixes, cadre restreint, lieux abandonnés, les personnages sont prisonniers de cette errance dans l’ombre, effacé de la réalité, seuls quelques touches de les éclairent. Pedro Costa veut redonner la parole à ceux qui sont oubliés, les laissant s’accaparer les lieux qui leur ont fait perdre leur humanité. Ces mêmes lieux qui ont industrialisé et épuisé les personnages, sont maintenant représentés par les souvenirs de cette communauté. L’esthétique de Pedro Costa permet un retour de force par la communauté qu’il laisse s’exprimer. Ce ne sont plus les lieux, ou plutôt les institutions, qui dirigent les personnages, mais ce sont maintenant les lieux qui se retranscrivent par la mémoire de ses personnages, ils se les sont appropriés. C’est de cette manière que le réalisateur rend hommage à toutes ces âmes perdues, les âmes d’une communauté qui n’existent plus, des âmes que l’on a abandonnées et dont on a omis leurs histoires et leurs cultures. Pedro Costa nous livre avec Horse Money une œuvre d’une grande humanité.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Films
Créée
le 30 mai 2023
Critique lue 22 fois
D'autres avis sur Ventura
Glacé, sombre, magnifique sur le plan visuel, une sorte d'accomplissement de l'esthétique que Costa a développé depuis Ossos -, mais d'un autre côté, très surprenant, tout en changements de rythmes...
Par
le 10 déc. 2018
9 j'aime
Il y a les cinéastes de la lumière et les cinéastes de l’ombre. Pedro Costa appartient à cette dernière catégorie, au sens propre comme au figuré. Il faudra bien un jour, pourtant, que le réalisateur...
Par
le 12 sept. 2021
2 j'aime
Il y a dans Horse Money une symbiose particulière entre les espaces filmés par Pedro Costa et les dialogues des personnages. J’entends par cela qu’il existe une interconnexion totale entre les lieux...
Par
le 30 mai 2023
Du même critique
Second film que je visionne de la période du néo-réalisme Italien, et je tombe déjà sur un chef-d'œuvre. N’hésitez pas à me corriger si je me fourvoie, mais de ce que j’ai pu apprendre de mes...
Par
le 13 juin 2023
1 j'aime
Comment concilier imaginaire et poésie avec la politique ? Je pense que ce premier long-métrage de Phuttiphong Aroonpheng nous en fait une parfaite démonstration.Le film s’ouvre sur une première...
Par
le 20 sept. 2023
J’ai longtemps pensé que mon introduction dans le cinéma philippin se ferait par le réalisateur Lav Diaz mais au vu de la durée de ses films (dont je me réserve le droit de découvrir lorsque j’aurais...
Par
le 2 août 2023