Venus Wars est un film influencé par deux maîtres, Miyazaki (dans une faible mesure), et Ôtomo (beaucoup plus). Comme chez le premier, on trouve ici une jeunesse innocente qui va être contre son gré plongée dans la guerre, mais aussi des véhicules et engins de destructions ressemblant fort à ceux du Château dans le ciel, et enfin une musique de Joe Hisaishi, dont certaines mélodies semblent tout simplement avoir été transposées d’un film à l’autre. L’influence la plus frappante reste cependant celle d’Akira, et de très nombreux points communs existent entre les deux œuvres : une bande de jeunes motards marginaux qui voient leur vie chamboulée par des événements les dépassant, un scénario sous forme de vaste fresque avec de nombreux personnages dans un univers cyberpunk, un dessin très réaliste et une volonté poussée de montrer que l’animation japonaise peut aussi faire des films adultes.
Le problème, quand on s’engage dans les pas d’un maître, c’est qu’on est rarement à la hauteur. Venus Wars souffre ainsi de l’ombre de ces deux géants, mais ce qui affaiblit véritablement le film, c’est son scénario. A l’origine un manga, l’auteur, Yasuhiko Yoshikazu, décide en l’adaptant en animé de condenser les quatre tomes en une heure et demi de fiction. Résultat : la vaste fresque de la guerre entre Ishtar et Aphrodia est réduite à une accélération de péripéties assez décevantes par leur manque de développement. On trouve ainsi pêle-mêle une invasion d’une capitale, une phase de rébellion et de terrorisme, et une tentative finale de reconquête de la ville. Les nombreux protagonistes sont pour la plupart réduits à des esquisses, certaines d’ailleurs assez réussies, mais qui avaient la matière pour être plus approfondies, et qui devaient d'ailleurs l’être dans le manga. A cette faiblesse manifeste s’ajoute l’indigence de l’idée de départ, à savoir une énième guerre entre deux empires pour le contrôle de leur planète. Bref, pour un habitué de science-fiction, un postulat d’une banalité extraordinaire et donc bien peu excitant.
Il n’en reste pas moins que les dessins et la mise en scène donnent un certain panache à cette production, palliant largement l’influence trop manifeste d’Akira et la faiblesse du récit.
Io, la capitale de la province d’Aphrodia, se trouve ainsi être un mélange réussi entre mégalopole dystopique et vieille cité moyenâgeuse. Ses boyaux torves sont jonchés de détritus, ses murs lépreux recouverts de graffitis, ses façades parasitées par des écrans blafards crachotant à longueur de journées divertissements et publicités, et des tours grises et menaçantes s’élèvent d’immeubles bas et trapus vers des cieux couleurs de sang, verts glauques, ou carrément noirs.
Cette ville immobile et angoissante voit sa morne tranquillité troublée par la guerre, et pas n’importe laquelle : celle portée par une animation de la fin des années 80 au meilleur de sa forme, quoiqu’un poil en deçà d’Akira, sorti un an plus tôt. Le récit est régulièrement interrompu par des scènes de destructions et d’explosions titanesques ; les chars avancent inexorablement, l’aviation bombarde et l’artillerie pilonne, les murs et les bâtiments volent en morceaux et tombent au ralenti, accompagnés par des bruitages d’un rare réalisme.
A cette maestria dans la mise en images des dévastations causées par la guerre s’ajoute un sens aigu du mouvement et de la vitesse. Nos héros étant des motards, de nombreuses courses-poursuites sont au programme de leurs aventures, réalisées avec une efficacité étonnante pour l’époque, et portée par la musique trépidante et excentrique de Joe Hisaishi, qui pour le coup s’est complètement lâché (vous ne trouverez jamais de compositions similaires dans un de ses Miyazaki).
A voir, donc, si vous n’êtes pas encore convaincu qu’une explosion pouvait être plus impressionnante dans un animé des années 80 que dans un de ceux d’aujourd’hui, et même, soyons fous, que dans un blockbuster hollywoodien !