"Serpent pourri ! C'est pas la loi que tu sers mais les fausses couleurs de ta pestilentielle ambition ".
Ces derniers mots enflammés (au sens figuré et surtout au sens propre) du père du héros résument bien la puissance dialectique et le caractère subversif du chef d'oeuvre de Jacques Dorfmann.
"Vercingétorix" est ainsi un film qui se prête bien à l'exégèse.
Porté par la flamboyante perruque et le verbe haut de Christophe Lambert, ponctué de furieux combats où des glaives en plastique achetés chez "Jouet Club" font gicler des gerbes de ketchup orange, le film est surtout porté par des dialogues à la démesure quasi shakespearienne ( et recensés en partie sur le site "Écran Large").
Ainsi le fameux "La magie de sa mort doit nous apprendre la leçon de son sacrifice", énoncé par un Max von Sydow perruqué et sans aucun doute dans un état d'ébriété avancé, provoque t-il un certain vertige métaphysique chez le spectateur.
Les stratégies respectives des belligérants sont admirablement observées au détour d'un puissant "Si tu fais ce que tu veux, ton adversaire le voudra aussi".
Mais le film est aussi une ode à l'abnégation du guerrier, qui prend une valeur toute métaphorique, universelle et intemporelle : "Pour ne faire qu'un avec ton glaive, tu dois vider ton esprit de tout désir..."
Le cinéaste n'hésite pas à recourir au pléonasme pour défendre sa thèse freudienne : "Le savoir des rêves n'appartient qu'à celui qui rêve". Quant un film épique fait avancer à ce point une psychanalyse sclérosée par des théories lacaniennes surfaites, on ne peut qu'opiner des tresses.
La magnifique Inès Sastre n'est pas en reste, elle qui déclare d'un air pénétré (avant de l'être par Vercingétorix ? Mais veuillez pardonner cette parenthèse grivoise qui n'à rien à faire ici...) : "Il est toujours sage de penser que César sait toujours ce qu'il va penser " : mise en abîme philosophique et vertige métaphysique.
Notre héros est même parfois dépasé par les ramifications de ses propres répliques, par le métalangage qui sourd notamment du dialogue avec le druide, qu'il convient de citer ici dans sa complétude inachevée :
- Le druide : "Le bien n'engendre pas la force, le mal non plus. Mais le mal appartient à ce monde des conflits humains dont on est tous prisonnier"
- Vercingétorix : "Tes propos incompréhensibles ne m'aident pas".
- le druide : "Je crois ".
Bref, ces dialogues à l'obscure clarté font tout le sel de ce chef d'oeuvre filmé avec les pieds et monté avec des gants.
Il prouve au passage qu'il n'est pas bon pour un dialoguiste d'abuser de la cervoise, pour le bien de son propre film, de sa santé et du cinéma en général.