A l'image de son index, rongé par le sang, Gabin paraît usé, physiquement au bout du rouleau; chacun de ses pas accuse le poids d’un corps qui se meut avec difficulté. Mais sa présence, elle, reste intacte, inattaquable. Face à la belle Sophia Loren, qui en fait un peu trop, il assure le taff, montre qui est le patron, une fois encore à l’écran. Une présence qui fait tout le film, Verdict étant, malgré son intéressant point de départ, une œuvre trop calibrée, voir inoffensive. Remettre en question la peine capitale, ainsi que le fait de laisser à un petit groupe d’êtres humains la responsabilité de l'appliquer ou non, est toujours un point de départ passionnant, mais il a été exploité, bien des années auparavant, avec plus grande inspiration, par Lumet notamment, qui a certainement signé la référence en la matière avec le virulent 12 hommes en colère.
Le problème du film de Cayatte, c’est qu’il n’exploite jamais vraiment son sujet, dans le sens où il repose sur un pitch de départ qui dit tout dès ses premiers tours de roue. Après 10 minutes de film, tout doute est dissipé, la fin semble déjà dessinée. Depuis les motivations qui ont guidé la main de l’assassin, de sa relation avec sa mère, du jeu à sens unique qui s’installe entre un juge qui courbe l’échine pour sauver sa moitié et son maître chanteur bien décidé à sauver son rejeton, jusqu’à l’ultime acte de désespoir d’une âme brisée, tout s’enchaîne de façon trop convenue, à tel point qu’en tant que spectateur, on finit par se désintéresser totalement de ce qui pourrait advenir aux différents personnages qui peuplent l’histoire, innocents comme coupables.
La bonne nouvelle, c’est que Verdict est relativement vite expédié, que sa première demi-heure est plutôt sympathique et que la caméra offre quelques propositions formelles intéressantes (comprendre, un petit bonus boobs furtif). De quoi se faire le plaisir de retrouver le grand Gabin dans l’un de ses derniers rôles sans trop dérouiller : si Verdict n’est assurément pas la découverte d’un film référence oublié du monsieur, il n’en reste pas moins un moment honorable, qui donne l’occasion à ce dernier de pousser l’un de ses derniers rugissements, puisqu’il jouera de la mâchoire une dernière fois deux ans plus tard dans «L’année sainte» de Jean Girault (auteur du chef d’œuvre La soupe au choux, c’est toujours bon de le rappeler) avant de tirer définitivement, quelques mois plus tard, sa révérence.