Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir sous une presse hydraulique. « Verdict» , c’est un jeu croisé à quatre personnages : le juge Leguen et Nicole Léoni s’affrontent, chacun tenant entre ses mains un être cher à l’autre. Evidemment tout termine mal, avec deux suicidés sur le carreau, un juge déshonoré, et un meurtrier en liberté mais rempli de honte ... Bienvenue dans le monde joyeux d’André Cayatte !
La noirceur du film suinte dans tous les plans, filmés pour la plupart de nuit, sur des routes désertes, dans des bâtisses sombres et mal éclairées, ou encore dans le grand appartement désert du juge Leguen. L’intrigue est sordide : les filles de bonne famille sont des catins, et l’assassin n’est qu’un petit enfant. Et puis il y a ce portrait au vitriol de la Cour d’Assises, où les débats sont suspendus à l’humeur du juge ; une scène mythique, celle du délibéré du jury, dans laquelle un magistrat à bout de souffle sacrifie sans sourciller son honneur et sa dignité.
La figure tonitruante de tout ce film, c’est Jean Gabin, dont voici l’avant-dernier film, deux ans avant son décès : un Jean Gabin fatigué, auquel André Cayatte impose le rôle d’un magistrat dépassé, dominé de bout en bout, et sans éclat. Une partition à contrepied de ses habitudes, face à une Sophie Loren déjà vieillissante et hystérique, pour accoucher d’un film horriblement noir.
Mais pour moi, la prestation de Jean Gabin demeurera mythique pour un détail : son index droit, bouffé par le tabac, devenu presque rouge. Comme pour nous rappeler que même s’il se démène, la fin approche.
« Verdict » fait partie des derniers films d’André Cayatte : une poignée de longs-métrages effroyables, désespérés, dans lesquels les personnages sont broyés inéluctablement, les uns après les autres. C'est Bertrand Tavernier qui prendra la relève, avec « L'Horloger de Saint-Paul ».
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