Sublime et mort, ou les paradoxes à la pelle.

Il est délicat de parler de ce film.
Car Kurosawa réalise ici un film en dilettante, un de ceux dont on ne saurait jamais dire si c'est bien ou pas bien.


Autant prévenir ; cette critique va accumuler les paradoxes.


La mise en scène est à la fois sublime et morte.
Dans un jeu de décors très fort (le bâtiment délabré chez le monsieur qui colle des fleurs en papier sur les murs), avec des éclairages sublimes (par exemple la disparition métaphorique d'un fantôme qui empli le personnage d'un nuage interne noir beau et inquiétant, ou encore lorsque les élèves de la classe allument les lumières unes à unes) et des plans très larges et beaux. Néanmoins, si elle est belle (elle a été récompensé à Cannes dans la catégorie Un Certain Regard), elle est tout autant morte. Car lente, inhabitée, impersonnelle, lointaine et froide. La faute peut-être à une image très laide (on semble voir un téléfilm aux couleurs très fades).


Le scénario est à la fois sublime et mort.


Car lorsque le Monde dit "Les fantômes de Kurosawa ne font pas peur, ils font l'amour", ils entendent que toute idée fantastique est rompue. La "résurrection" dont je n'ai pas encore saisi le sens concret de ces personnages semble d'une banalité totale et ne choque personne. Soit.
De ce postulat Kurosawa tire la jolie histoire d'un couple dont le mari récemment ressuscité va emmener sa femme dans une sorte de voyage anecdotique où se confrontent, avec un grande simplicité et beauté que l'on connaît aux Japonais, des personnage atypiques, des destins de vie émouvant et gratuits.
Mais l'intrigue peine vraiment à progresser et le film perd de sa force, la faute à des longueurs trop présentes et à une mise en scène un quelque peu figé.


Si "Vers l'autre Rive" déçoit (car on attendait de Kurosawa un grand moment de cinéma à la mise en scène remarquable et aux émotions magnifiques), il n'en reste pas moins qu'il est un film beau et souvent juste (notamment une magnifique scène, belle à pleurer, où une jeune fille revient, en fantôme, jouer son air préféré au piano, sous les yeux ébahis et larmoyants de sa sœur et de l'héroïne) qu'il faut découvrir.

Créée

le 21 oct. 2015

Critique lue 281 fois

Charles Dubois

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