Sans doute faut-il commence par dire ce que Vers l'autre rive, le nouveau film de Kiyoshi Kurosawa n'est pas : un film de fantômes qui fait peur, contrairement à Kaïro où les morts revenaient prendre la place des vivants dans une guerre destructrice. Vers l'autre rive s'ouvre avec le visage d'une infinie tristesse, celui de Mizuki (Eri Fukatsu), jeune veuve qui donne, tant bien que mal, des cours de piano à une enfant. Depuis la disparition de son mari Yûsuke (Tadanobu Asano), Mizuki a perdu le goût de la vie.
Elle rentre le soir dans son lugubre appartement. La tentation du cinéaste de nous faire peur, de faire sursauter est balayée en un plan. Yûsuke apparaît là, dans la pénombre de l'appartement. Il explique, à demis mots, ce qui s'est passé trois ans plus tard. Il s'est laissé mourir et dévorer par des crabes au bord d'une plage. L'explication se fait sur un ton monocorde, sans aucune émotion, comme si tout cela était naturel. Mizuki est à peine étonnée de voir le fantôme de son défunt mari. Maintenant, elle ne veut plus qu'il s'en aille.
Si les apparitions des fantômes ne font pas peur, leur passage vers l'autre rive, soit l'au-delà sont les moments forts de chaque étape. Chez le vieux livreur de journaux, c'est le passage d'un univers très coloré à une image grisâtre. Ailleurs, c'est un visage qui s'obscurcit jusqu'à n'être plus éclairé du tout dans le cadre. Ailleurs, c'est une brume épaisse qui enveloppe le mort, mais une brume totalement artificielle. Et on découvre cette cascade mystérieuse dont il est dit qu'elle est la porte vers l'autre monde. Un enfant encourage Mizuki à traverser cette porte.
Tout ces passages en forêt et dans la nature font penser aux films d'Apichatpong Weerasethakul. Chez les deux cinéastes, le surnaturel est ordinaire et banal, les discussions sont badines et ont pour sujet les relations des personnages avec les fantômes de leur passé. L'effet sur la spectateur est d'ailleurs assez similaire, une sorte d'état de stupéfaction, proche de la léthargie, agrémenté de très courts moments de somnolence. Comme si leurs films étaient une succession de rêves que nous, spectateurs, ferions, dans la salle de cinéma.
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