Ce film m'avait laissé une impression fort étrange. Et ce n'est pas pour rien, maintenant que je le revois.
Le début repose sur des saynettes "truculentes" sur Lincoln, mais sans grand ensemble : Lincoln et Ann Ruthledge, faisant une ordalie pour décider de son destin (scène très forte), Lincoln faisant l'arbitre à un concours de tarte, Lincoln trichant à un concours de tir à la corde, Lincoln échangeant des propos aigre-doux avec son opposant, Lincoln menaçant deux paysans venus le consulter sur un point de droit... L'ensemble tient grâce au jeu hors-catégorie d'Henry Fonda, qui donne à toutes les images la fascination pour les vieux daguerréotypes, tant son corps adopte la posture dégingandée et le menton droit et digne de Lincoln, mais on sent les faiblesses du scénario, les problèmes de rythme, hésitant entre introspection et hagiographie... C'est très troublant.
La deuxième partie, avec le déroulement du procès, est plus intéressante. Lincoln doit défendre deux jeunes garçons dont l'un, dans la chaleur d'une grande fête, a tué un idiot qui le menaçait d'un revolver.
On sent toute la rudesse de Lincoln, dont l'intelligence n'est pas encore affutée et qui manipule surtout par l'humour au départ. J'aime beaucoup la scène ou, entre deux séances, le juge vient le voir et lui conseille avec bienveillance de réviser sa défense, et quand il dit à Lincoln : "Changez, ou vous allez faire pendre les deux", ce dernier, blessé, répond : "Hé bien, ça se passera comme ça. Bonsoir, juge".