Le film commence. Écriteau : Vous allez suivre l’histoire de Dick
Cheney, le plus puissant vice-président qu’ait jamais connu les
États-Unis. Une histoire secrète, dont on sait peu de choses…
Coupes brutales, caméra épaule, narration décousue. Pour recoller les morceaux de cette histoire oubliée, le réalisateur Adam McKay choisi de reprendre le créneau étourdissant de son dernier film The Big Short, nous livrant dans Vice un portrait atomisé qui s’affranchit de toute chronologie. Ascension, jeunesse et apogée de Dick Cheney (superbement interprété par Christian Bale) sont mixés dans un magma d’images et d'époques, avec pour seul repère la voix-off caustique d’un mystérieux narrateur…
À la mode Fahrenheit 9/11 de Michael Moore, la réalisation épileptique de Vice nous en met plein les yeux mais aussi, un peu plein la tête. Car plutôt, que de reconstituer le personnage et sa psychologie comme Moore le fit avec Bush, le réalisateur a tôt fait d'éparpiller les pièces du puzzle, donnant l’étrange sensation de regarder le biopic de Dick Cheney depuis l’intérieur de sa machine à laver.
La déception est d’autant plus grande lorsque, le spectateur persévérant parvient à mettre bout à bout les facettes de Cheney, c’est pour se rendre compte qu’il n’y a finalement qu’un grand vide. On n’accédera jamais aux moments clés de sa vie. Comment arrive-t-il à la Maison blanche ? Pourquoi accepte-t-il la vice-présidence ? On n’accédera pas non plus aux états d’âmes d’un personnage plus machiavélique que Frank Underwood. Un encéphalogramme plat au milieu de personnages pourtant intéressants de fragilité : Lynne Cheney en ambitieuse inassouvie (Amy Adams), George Bush en fils à papa paumé (Sam Rockwel), Donald Rumsfled en père spirituel déchu (Steve Carell).
Dans The Big Short, l'esbroufe de la réalisation pouvait passer. Une arnaque dans un film d’arnaque. Soit. Mais dans Vice, la réalisation spectaculaire et le contre-pied ironique et systématique de la voix-off peine à cacher la peau de chagrin d'un scénario qui n'a d'ailleurs pas de fin. Bref, si la réalisation efficace et virevoltante est loin de nous prendre par la main, on se fait quand même un peu balader.