Vice-versa
7.5
Vice-versa

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

Cette Joie, quelle tête à baffes… Une idée flottante qui m'envahit dès la troisième minute environ et pour les trois bon quarts du film qui ont suivi, alors que mes impressions s’entremêlaient dans une lie monotone se calquant lourdement, comme une ivresse embrumée, sur le rythme d’un film gentiment coloré, gentiment chantonné, des Smarties chatoyants, généreusement éparpillés sur un gros gâteau... un peu plat. Cette impression d’une mer d’huile agressée de couleurs vives et écoulant ses courants au gré de vents paresseux, une surface rocailleuse fossilisée dès les premiers instants d’où jaillissaient par éclats aussi soudains que brefs des effiloches d’émotions franches. La gorge qui se serre d’un sanglot vite refréné, un rire sonore, la surprise d’une ingéniosité de mise en scène assez exceptionnelle… Mais l’émerveillement ? Il est où lui ? Ses vacances commencent à se faire longues, il revient quand ?


J’aime cette idée de représenter les émotions par des couleurs, une conception tout à fait bien vue. Ce choix va bien au delà de la simple caractérisation de personnages faciles à retenir pour que bébé soit heureux et puisse demander la figurine de son préféré à Noël, c’est évidemment la formation d’une palette agitée qui ne prend jamais vraiment vie sans de minutieux mélanges. Et on a droit à ces mélanges, évidemment. Enfin surtout celui de Joie et Tristesse, le jaune éclatant et le bleu profond offrant les vagues teintes de la mélancolie, alors que voir ce court métrage s’étirer dans une galerie de jouets Happy Meal surexcités et s'éparpiller allègrement en éclipsant tout espoir de surprise pour le dénouement, s’affairait à mélanger les miennes d’émotions pour accéder aux couleurs ténues d’une relative indifférence.


Bon j’arrête de ronchonner pour immédiatement donner des armes à ceux qui voudraient essayer de me ramener à la raison, j’y allais sans grand désir, sans aucune attente vraiment enjouée. Je ne suis pas le premier fan de Pixar et le sujet, à célébrer pour sa nouveauté et son audace, offrait l’avant goût déjà expérimenté du court métrage purement excellent dilué dans l’océan des idées enwagonnées. Rien d’aussi exécrable qu’un pur remplissage sans saveur, juste cette folie poussant à la débauche d’images somptueuses, étendard d’une technologie de pointe bluffante qui vous offre plein de beaux fonds d’écran à capturer pour votre nouveau PC. Voilà, vous pouvez me jeter les tomates de l’aigreur gratuite, portez accusation contre celui qui d’un pas sans alerte se dirigeait, résigné, vers un film qu’il avait décidé de ne pas vraiment apprécier.


Cela dit, c’est un respect énorme que je garde pour ce nouveau truc multicolore. Au delà de toute technique, c’est une subtilité effarante de mise en scène qui propulse ce qui paraissait au début une excellente idée au rang de grande date du cinéma d’animation. En toute simplicité, le film dépeint une profondeur sur l’esprit qui écrase nombre de ses concurrents, offrant une alternance extrêmement pertinente entre l’intérieur et l’extérieur. On a tous du se reconnaître chez quelqu’un, de la colère super-saiyen à la barbe-à-papa-dauphin, et on a tous du, ici ou là, percevoir un reflet familier dans les conséquences de tout ce beau monde sur les traits de Riley. Et puis j’ai toujours une certaine affection pour les films qui me divisent vraiment, ce doux fumet du “j’ai aimé ou pas ?”. J'suis pas vraiment friand de bonbons, et ce film en est incontestablement un énorme paquet suintant en plein soleil, mais, j'avoue, c'était pas dégueulasse.


M’enfin voilà, quand on parle de ça autour de soi, on entend souvent l’expression apaisée et repue d’un “Ah c’était mignon, coloré, ça transportait en enfance, c’était émouvant, que demander de plus ?” … MAIS SI FAUT EN DEMANDER PLUS ! Oui j’ai cette nostalgie des savants du mouvement de jadis, celle-là même que je rabâche à chaque fois que j’vais voir le studio de la lampe sautillante. Ce film reste d’une très grande subtilité, d’une maîtrise technique qui n’est même plus à décrire, évidente, mais centré obstinément sur son sujet, dans une boulimie d'idées, d'envies s'empilant derrière un thème aux infinies facettes, il finit par se perdre un peu... Je n’pense pas que parler de l’enfance soit la meilleure façon de parler de l’enfance.

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le 11 août 2015

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zombiraptor

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