Nous sommes qu’en juin, et c’est déjà une bien belle année de cinéma. Vice-Versa, le nouveau Pixar, en est encore une une très belle preuve, et il y a de quoi se réjouir car cela faisait cinq ans, depuis le fantastique Toy Story 3 en 2010, qu’ils pédalaient dans la semoule avec des films peu inspirés en comparaison à des chefs d’œuvres comme Wall-E, Les Indestructibles ou Le Monde de Nemo. A partir d’un sujet extrêmement original, mettant en scène les émotions d’une petite fille de 11 ans, Pete Docter, l’un des éléments clés du studio, auteur de Monstres & Cie et de La-Haut, permet à Pixar de revenir en force avec toute l’intelligence, l’inventivité et la sensibilité qui les caractérisaient auparavant, et d’enrichir 2015 d’un grand film de plus.
Vice-Versa nous raconte donc les aventures des émotions de Riley : Tristesse, Peur, Dégout, Colère et à leur tête, Joie qui s’efforcent de faire d’elle une jeune fille heureuse et remplie de bonne humeur. Tout se passe bien dans le quartier cérébral jusqu’au jour où les parents de Riley décident de déménager à San Francisco, entrainant un changement de vie qui chamboule tout ce petit système mis en place dans sa tête. A partir de là, on suit Joie et Tristesse, perdues dans la mémoire à long terme, dans une aventure délirante à l’intérieur du cerveau où chacune des actions, chacun des changements de rapport entre les différents personnages influencent l’état psychologique d’une gamine en pleine dépression.
On retrouve l’intelligence de Pixar, traitant un sujet émotionnellement fort à travers la légèreté d’un film d’animation coloré, et débordant d’inventivité. Une inventivité qui s’illustre dans la représentation du moindre aspect du fonctionnement de notre cerveau en passant par mille idées géniales, souvent très drôles, des billes qui représentent les souvenirs aux îles qui forgent la personnalité, et bien d’autres encore que je préfère garder secret pour ne rien vous gâcher. Visuellement, le film peut paraitre enfantin, parfois trop à des moments où il aurait pu être effrayant, mais il réside dans les images un vrai sens du spectaculaire assez inattendu lorsque la grandeur des décors est mis en perspective avec la petite taille des héros créant des images évoquant avec une grande force émotionnelle l’évolution psychologique de Riley.
Car l’émotion, et ça tombe bien puisque c’est le sujet du film, est bien la grande force de Vice-Versa ! Attendez-vous à pleurer, à rire puis à pleurer encore grâce à une histoire riche en moments bouleversants et à ses héros attachants, interprétés par un casting vocal très en forme parmi lesquels l’énergique Amy Poehler, la touchante et surprenante prestation de Phyllis Smith (de The Office), les toujours hilarants Bill Hader et Mindy Kaling, respectivement dans les rôles de Joie, Tristesse, Peur et Dégout. On retrouve aussi le trop rare Richard Kind doublant un personnage clé, dissimulé par la promotion du film, à raison car il est l’un des cœurs du film.
La musique également, toujours par Michael Giacchino qui confirme pour la quatrième fois cette année, après Jupiter Ascending, À la Poursuite de Demain et Jurassic World, qu’il est le meilleur compositeur du moment. Il s’agit d’ailleurs ici d’une de ses plus belles compostions, grâce à un merveilleux morceau de piano en guise de theme, extrêmement bien utilisé dans le film, et des propositions mélodiques assez originales venant de lui, et d’autres encore, rappelant son travail sur la série Lost, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Une bande-originale qui explose lors d’un climax intense qui s’étale sur les 30 dernières minutes du film, 30 minutes de roller-coaster émotionnel où Vice-Versa développe brillamment son propos sur la fin de l’enfance et le passage à l’âge adulte, rejoignant ainsi les thématiques chères à Pixar, déjà explorées dans la trilogie Toy Story. Le studio continue ainsi à poser en héros les personnages les plus inattendus, que ce soit déjà des émotions, des jouets, des monstres ou des robots muets, mais parce qu’ils sont aussi ceux qui, paradoxalement, en disent le plus sur notre développement en tant qu’individu, sur nos accomplissements, sur nos peurs, sur notre perception du monde, bref, sur nous, les êtres humains.
Pour conclure, Vice-Versa est, comme tout les grands Pixar, une œuvre unique, drôle et touchante, parlant des émotions avec de l’émotion, faisant vivre au public ce que l’héroïne, Riley, vit dans sa tête, pour nous amener à comprendre simplement la complexité des sentiments. Pete Docter, sans être aussi talentueux que Brad Bird et Andrew Stanton (vu leurs niveaux, on ne lui en voudra pas), continue néanmoins à être l’un des créateurs les plus précieux d’un studio qui avait bien besoin de cette remise à niveau salutaire. Il réalise ici son œuvre la plus réussie grâce à une rencontre de talent dont la seule ambition est de bouleverser, remuer, amuser intelligemment leurs spectateurs, du plus petit au plus ancien, en leur donnant exactement ce qu’ils viennent chercher quand ils vont au cinéma : des émotions.
Julien vs The Movies