A l'ère du cinéma franchisé qui nous envahi de toute part, les films de super-héros en veux-tu en voilà jusqu'à saturation, les suites, les suites de suites, les reboots, les remakes américains de films japonais, les films décérébrés - ceux qui font du bien parfois malgré tout - Inside Out apparaît comme une vraie bouffée d'oxygène. Le Cinéma, le vrai, l'original, le populaire, l'artistique, existe encore. Ouf !
Vice Versa c'est l'histoire d'une petite fille, Riley, dont le déménagement à San Francisco va provoquer chez elle un chamboulement émotionnel. Joie, Peur, Dégoût, Colère et Tristesse, ses émotions personnifiées, vont devoir l'aider à passer ce cap.
On connaissait le talent des studios Pixar à nous raconter des histoires et à nous émouvoir avec un rien, mais ils n'ont jamais autant excellé que lorsqu'ils nous racontent de nouvelles choses. A l'exception de Toy Story 3 dont les 10 dernières minutes venaient clôturer en beauté la trilogie, on ne peut pas dire que les suites de Monstres et Cie ou Cars eussent été à la hauteur des espérances. Il me tardait donc, 2 ans après Monstres Academy, de découvrir Vice Versa , leur dernière création originale. Et le résultat est à la hauteur de l'attente. Pixar et Pete Docter ont une longueur d'avance sur bien des projets, en terme d'originalité et d'imagination.
Vice Versa est un film intimiste, dans un univers totalement original. N'y cherchez pas le grand spectacle. Déjà, il n'y a pas de méchants. L'ennemi de nos personnages, c'est le chamboulement émotionnel auquel ils doivent faire face, c'est le temps qui passe, les souvenirs qui s'effacent, et comment les préserver. Voilà l'audace du Studio d'Animation, d'aller emprunter des sentiers peu balisés, pour nous proposer au final un film intelligent, poétique, d'une finesse assez rare, avec un scénario des plus aboutis qu'il nous a été donné de voir depuis longtemps, tant il multiplie les trouvailles, et allie à merveille animation et émotion.
L'animation permet des choses que ne permet pas la prise de vue réelle. Et Pete Docter l'emploie à merveille. Car Vice Versa n'est pas un simple dessin animé pour enfants. Le genre est d'ailleurs trop souvent minimisé. Vice Versa, c'est du Cinéma dans tout ce qu'il a de plus noble. Les plans sont pensés comme s'ils étaient filmés par une caméra. La photographie a un rôle majeur également. On tutoie la comédie dramatique par instants. Et le film n'infantilise jamais le spectateur, même quand il s'adresse à un public jeune - ce que l'on peut plus souvent reprocher au concurrent Dreamworks - Il ne considère pas les enfants plus bêtas qu'ils ne sont, en leur parlant dans les yeux de sujets graves. Tristesse, avec sa personnalité dépressive, amuse tout autant qu'elle interroge. Malgré tout, les plus jeunes spectateurs y trouveront leur dose d'aventure et d'amusement, avec des personnages à la fois drôles et sympathiques, une escapade au cœur du cerveau, de la mémoire et de l'imaginaire. Les plus grands s'attacheront à d'autres aspects, y verront des allusions, des clins d'oeil (Coucou Ratatouille !), des souvenirs, en se remémorant aussi leur propre enfance, en découvrant ce portrait sensible de l'enfance.
Même s'il peut nous paraître insignifiant à 1ère vue, Vice Versa est peut-être le film le plus adulte, le plus abouti, et le plus audacieux de Pixar et signe le retour en force du Studio. En terme d'animation, Pixar nous prouve une fois encore qu'ils sont les maîtres. Et en terme de Cinéma, Pixar arrive encore à nous surprendre et à nous émouvoir. Il nous rassure surtout et nous prouve que le cinéma d'auteur destiné au grand public, rare, existe bien encore.