Malgré tout, pour moi, Inside Out ça restera ça.
"- Mais va le voir, il est génial !"
"-Ouais, ouais, mais bon, j'ai peur du résultat un peu..."
"-Mais je te dis qu'il est trop bien, comme tout le monde d'ailleurs !"
"-Bah justement, cette unanimité conciliante me fait appréhender."
"-T'es vraiment qu'un vieux con !"
"-Y paraît, y paraît..."
C'est sur ces entrefaites, bouffi d’orgueil, éructant de colère et vomissant d'a-priori que je me convaincs de visionner Vice-Versa. La bande-annonce m'a laissé de marbre, l'harmonie positive des ressentis m'a invité à la plus grande prudence ; je me rends par conséquent à reculons à la séance. L'intrigue est de prime abord assez simple : la personnification de quelques émotions (joie, tristesse, colère, peur et dégoût) pour refléter les diverses réactions de la petite Riley dans la vie de tous les jours.
Au bout d'une petite heure, le constat est simple : l'intrigue semble caricaturale, certains gags fonctionnent bien mais l'ensemble peine à convaincre. Je m'enfonce tant dans mon siège que dans ma position de vieux con, le tout en grommelant quelque chose du style "Grompf, Monstres et Cie ça au moins c'était un bon film d'animation !" Et puis vient la dernière demie-heure, la claque, la révélation, l'émotion me transporte, m'extirpe de mon siège et de ma torpeur sénile et valétudinaire. Tout ce qui m'était apparu comme un défaut s'éclaire d'un sens redoutablement fin, que mes appréhensions m'avaient jusqu'alors masqué. La bicéphalité des émotions, le manichéisme caricatural joie-tristesse prend tout son sens, et j'étais tellement boursouflé d'idées préconçues que je n'ai rien vu venir et que l'intelligence du film me claque si fort que je fais trois tours dans mon calsif sans toucher l'élastique.
Ce que je n'ai pas vu venir, c'est le passage à l'adolescence, la fin de l'enfance. Une de mes premières réflexions a été de dire : "Sans déconner, les centres d'intérêts de la gamine comme des îles dans le cerveau, si ça c'est pas caricatural !" Seulement voilà, lorsque toutes ces îles fusionnent pour n'en former qu'une qui correspondra à son enfance, toute l'ampleur du film et la portée de son message me sont alors accessibles. Ce film d'animation n'est pas un simple blockbuster de l'été destiné à attirer les masses infantiles anesthésiées par la chaleur, le coca-cola tiède et le pop-corn rance, c'est avant tout un film sur le passage de l'enfance à l'adolescence, le rôle de la mémoire, parfois sélective et celui du rapport à nos souvenirs. Car le monde n'est pas comme celui perçu par l'enfant, manichéen, tout n'est pas joie ou tristesse, la plupart du temps c'est un mélange des deux. Et le reproche que j'adressais du peu de consistance des émotions n'était en réalité dû qu'à leur statut d'immature bonhomie.
Et s'il y a une chose que j'adore par-dessus tout, c'est qu'un film puisse me surprendre et en quelques minutes, réussisse à complètement transformer ma vision des choses. Bien me faire comprendre que, finalement, je reste un vieux con mais que, malgré tout, j'ai encore des sentiments, j'arrive encore à pleurer devant un film d'animation. Et ça, ça n'a pas de prix.