Après Monstres & Cie et Là-Haut, Pete Docter s'impose une nouvelle fois avec Vice-Versa comme le meilleur réalisateur jamais engagé chez Pixar Animation Studios aux côtés d'Andrew Stanton et de Brad Bird.
Le projet, plus qu'alléchant dès son annonce, avait pourtant de quoi faire un tantinet peur au vu de son idée de départ pouvant aussi bien être exploitée avec ingéniosité que se casser la gueule. Ceci n'étant pas aidé par la baisse de qualité régulière des derniers films Pixar depuis 2011 avec le pathétique Cars 2.
Et pourtant, Vice-Versa est bien la réussite totale que le plus grand nombre d'entre nous espérait. Avec un accueil critique élogieux et plus de 850 millions de $ récoltés dans le monde, ce nouveau bijou de Pete Docter a tout pour devenir un film culte.
Il aurait pourtant été tellement facile de faire n'importe quoi avec ce concept des émotions contrôlant le cerveau humain. Entre les mains d'un studio comme DreamWorks Animation, cela aurait pu se transformer en une comédie débile sans imagination ne consistant qu'à voir l'humain faire n'importe quoi si ses émotions perdaient le contrôle. C'est justement à ce niveau que l'on peut mesurer la perfection qu'atteint le film .
Enlevons toutes les séquences se produisant dans le cerveau de la petite Riley en ne gardant que les scènes avec la jeune fille, et nous obtenons malgré tout une histoire cohérente sur chaque dialogue, chaque personnage et chaque péripétie. Je craignais que lorsque Joie et Tristesse se retrouvent hors du quartier général, le film se permette de mettre d'avantage l'accent sur l'humour loufoque dans les scènes réelles, ce n'est pas le cas. Le long-métrage montre au contraire toute la gravité et le drame de la situation si la fillette n'a plus toute sa tête et perd le contrôle.
Cette intrigue est tellement bien écrite et amenée que lorsque le final arrive, on a l'impression que la séparation de Joie et Tristesse avec les autres émotions était nécessaire et même prévue pour que Riley franchisse l'étape importante de sa vie la menant progressivement vers l'adolescence.
N'importe qui peut s'identifier à ce personnage. Comme pour Toy Story, Pixar compte sur le fait que le spectateur prend instantanément conscience en visionnant le film qu'il a lui aussi été un enfant un jour. Ainsi, les adultes comme leurs bambins peuvent tous comprendre les troubles de Riley. (Rassurant que Josh Cooley, scénariste de Vice-Versa soit coréalisateur de Toy Story 4, il y a peut-être de l'espoir!)
La fin est à ce titre un modèle du genre! On ne pouvait écrire une résolution aussi intelligente et émouvante que celle-ci. Le plus appréciable étant que le film passe son temps à laisser des indices par-ci par-là pour nous amener vers cette conclusion (Tristesse toujours attirée par les souvenirs, Bing-Bong se sentant mieux après avoir pleuré un bon coup etc...) mais jamais sans que cela paraisse forcé. C'est toujours judicieusement placé dans chaque moment-clé.
En terme d'humour, Vice-Versa met la barre très haut. Cela faisait longtemps qu'un Disney-Pixar ne m'avait plus autant fait rire. Chaque réplique est plus savoureuse que la précédente, chaque nouvelle trouvaille visuelle ou scénaristique apporte de nouvelles idées, de nouvelles pistes et exploite au maximum les possibilités laissées par la construction d'une personnalité à partir de la mémoire (les petits souvenirs dans la mémoire à long terme que les "ingénieurs" laissent ou éliminent, du génie!).
Le seul reproche que certains osent faire au film concerne la direction artistique assez faiblarde. À cela je répondrai que Vice-Versa n'a pas besoin de détailler d'avantage son décor si le scénario n'en a pas besoin. Par exemple, l'arrière-plan avec le fond du cerveau s'étendant à l'infini comme un désert a son sens par rapport à l'univers que créé le film et provoque volontairement un effet de vide. Je ne vais pas reprocher au film de n'être pas assez imaginatif alors que l'environnement qu'il met en images n'est pas censé l'être.
Mais c'est la seule remarque négative qu'on peut trouver dans certains avis. Détail qui ne m'a en aucun cas dérangé (d'ailleurs, les textures sur la peau des émotions sont particulièrement bien pensées).
À noter d'ailleurs que le doublage français est parfait lui aussi comme dans chaque Pixar.
Que dire de plus sur Vice-Versa si ce n'est ce que tout le monde a dit. Il s'agit d'un retour inespéré a travers une période noire pour le studio qui a été récompensé comme il se le devait. Il n'y a plus qu'à espérer que le prochain Pixar original Coco soit tout aussi créatif et sincère. On y croit!