D'abord emballé par l'idée de Vice-versa et par le potentiel que le film représentait, j'ai sauté sur l'occasion pour aller le voir au cinéma, accompagné de plusieurs amis. A l'instar de la bande-annonce qui m'avait alléché, les débuts du film sont prometteurs et m'ont laissé croire que le film traiterait de la mécanique des émotions et de la façon dont ceux-ci peuvent diriger nos comportements. La suite a cependant peu à peu atténué mon intérêt, quand le film semblait hésiter entre la thématique du changement d'environnement pour Riley et l'aventure de Joie et Tristesse dans les méandres de la mémoire à long terme, dont le cloisonnement, la diversité et la fantaisie des "systèmes" (l'imagination, les principes abstraits, etc.) ne sont pas sans rappeler Les mondes de Ralph.
J'ai également contasté avec effroi - et le film n'a absolument rien à voir avec cet effroi - que mes études de psychologie avait finalement repris le dessus, ce qui fait que je me suis retrouvé à faire l'inventaire des écarts du film par rapport au sujet de mes études. Loin de moi cependant l'idée de devenir le mec chiant qui n'aime ou qui dévalue un film sous prétexte qu'il possède un semblant d'expertise dans le domaine (pour autant que le film ne présente pas autant d'inepties que les films de Steven Spielberg (hommage aux velociraptors qui ont perdu leurs plumes dans la saga du Jurassic)) et a fortiori dans un film pour enfants (malgré l'absence de la sixième émotion (la surprise, cf. Paul Ekman) et de l'agencement plus qu'étrange de la mémoire).
Ce sentiment, mi-figue mi-raisin, que m'a laissé le film n'est donc imputable qu'à lui-même. Comme dit plus haut, alors que le film aurait pu être une judicieuse mise en scène de l'influence des émotions sur le comportement, le sujet semble avoir dévié - pire: il dévie et il bifurque - vers d'un côté Riley en elle-même, souffrant de son déménagement, et les péripéties de Joie et Tristesse en son for intérieur d'autre part. Ce qui a pour effet de diviser l'intérêt et la qualité du scénario par deux: l'histoire de Riley est négligeable à un point tel que j'avais déjà oublié son nom trois jours après avoir vu le film, et l'odyssée de Joie et Tristesse est insipide en plus d'être prévisible.
En outre, au-delà de ces revers scénaristiques, se trouve l'usage des clichés. Certes, l'utilisation des stéréotypes n'est pas forcément une mauvaise chose et il ne faut pas s'arrêter à la simple évocation du terme "cliché", ceux-ci présentant parfois un véritable intérêt (ils peuvent en effet aider à la représentation, à l'objectivation, à la compréhension et bien d'autres choses), et ce a fortiori dans un film pour enfants. Alors, certes, les clichés ont un potentiel représentatif puissant et permettent d'illustrer et de faire correspondre l'image au concept (et vice-versa (sic) [de Saussure parlait de signifiant et signifié, pour ceux que ça intéresse]), je déplore l'usage de ceux-ci pour symboliser les émotions. Effectivement, image et concept sont ici correspondants et il ne s'agit que d'un moindre mal dans la tête des gens, au propre comme au figuré, mais qu'est-ce qui fait que Peur est chétif alors que Colère est une petite boule de nerf trapue et pourquoi Dégoût ressemble plus à une figure de mode (son rôle dans les choix vestimentaires est d'ailleurs mentionné dans le film) qu'autre chose, mais surtout que Tristesse est petite et grosse tandis que Joie est élancée? Les stéréotypes sont peut-être correspondants, mais leur usage est d'autant plus dommageable que le "caractère" de chacune de ces émotions parle pour lui.
Nonobstant la place qu'aura pris dans ma critique l'usage des clichés, c'est néanmoins au scénario qui bifurque à mi-chemin, laissant derrière lui la voie principale qui l'aurait - à n'en pas douter - mené au succès.
Au bout du compte, Vice-Versa porte bien son titre, dans le sens où il aura montré à la fois une chose et son inverse: un début prometteur et une suite quelque peu décevante.