Vicky Cristina Barcelona par Fritz Langueur
Woody Allen est un cas. Depuis 1966, au rythme d’un film par an, il s’est imposé comme l’un des maîtres incontestables du cinéma international. Il oscille entre burlesque, drame, comédie de mœurs ou introspection ayant pour dénominateur commun une petite musique légère et nostalgique teintée par son vécu. Chaque année, c’est donc fiévreusement que nous attendons son nouvel opus. Jamais décevant, au mieux il signe un chef d’œuvre (Annie Hall, Manhattan, Intérieurs, Zelig, La rose pourpre du Caire, Match Point…) au pire des œuvres marquantes (Guerre et amour, Comédie érotique d’une nuit d’été, Hannah et ses sœurs, Ombres et brouillard, Scoop…). La constante ces dernières années est l’irrévérencieuse malice qui vient ponctuer ses œuvres. Elle repose sur une analyse intime, où l’homme s’est énormément interrogé, pris la tête sur le sens de la vie, de l’amour, de la mort. Aujourd’hui il a ses réponses. Et un film comme « Vicky, Crisitina, Barcelona » vient une fois de plus le prouver. L’amour est au cœur du sujet, ou plutôt, comment chacun peut l’appréhender. Non pas sur les premiers jours, ils sont illusoirement merveilleux, mais plutôt sur la durée. Il s’appuie sur une galerie des personnages bien ciblés. A commencer par les deux petites touristes américaines (Johanssonn & Hall géniales), amies de cœur que tout uni sauf la manière de gérer leur vie amoureuse. Le couple Bardem/Cruz (saisissants de réalisme), en chantre du ni avec toi ni sans toi, à qui il manquera toujours la petite nuance qui ferait leur lien. Et les autres qui viennent abonder, compléter, falsifier le propos : le golden boy bourrin, la grande bourgeoise qui espère depuis des années quitter un mari qu’elle n’aime plus, l’étudiant transi… Woody Allen s’amuse et nous ravit. Il manipule tout ce petit monde avec cruauté et un esprit caustique, à grand renfort de répliques cinglantes. Il est fort à parier que l’inspiration plus encore que d’habitude est probablement autobiographique, tant l’ensemble sonne juste et se reflète un terrible et sombre réalisme. A 73 ans, Woody Allen n’a plus qu’une seule et unique conviction, l’amour est une passion à durée déterminée, après on le subit en pensant à hier où l’on rompt. La plus belle des histoires étant celle que l’on n’a pas pu vivre, car une fois consommée elle tombe dans le banal et l’indigence du quotidien. Le réalisateur, l’âge aidant se transforme en un incorrigible romantique dont la verve et l’intelligence éblouit. « Vicky, Crisitina, Barcelona » se place d’ores et déjà comme l’un de ses meilleurs films et nous apporte sur cette année cinématographique 2008 en berne un ballon d’oxygène salutaire et tellement jouissif !