Récompensé par six prix lors de la 65e édition du Festival international du film de Berlin, Victoria est le quatrième film de Sebastian Schipper. La particularité de l’œuvre est d’être un seul plan-séquence. Contrairement à certains films comme The Revenant ou 1917 où le montage donne l’illusion d’une prise de vue unique, le réalisateur germanique relève le défi pour nous narrer son récit de deux heures.
Auprès de la protagoniste éponyme, nous déambulons dans les rues de Berlin accompagné de ses amis de fortune. La première partie nous permet de comprendre le parcours de la jeune femme, les raisons l’ayant amené jusqu’à la capitale allemande. Le fait de suivre sa rencontre avec ce groupe d’inconnus permet de présenter les différents protagonistes tout en respectant la contrainte technique. L’absence de préambule aux événements est compensée par la lente découverte mutuelle entre ces personnages.
En optant pour la captation du récit via une caméra à l’épaule, le réalisateur choisit de nous faire vivre la séquence de la façon la plus réaliste possible. Nous avons l’impression d’être le témoin silencieux de cette histoire. Nous sommes invisibles aux yeux de tous et pour autant présent dans chaque décision prise. Cette proximité est moteur d'empathie. Nous prenons plaisir à connaitre ces personnes et à errer auprès d'eux. L'immersion est donc totale.
Lorsque le point de bascule intervient, un changement de registre s’opère. La rencontre fortuite de ces êtres nocturnes échangeant leur passif se transforme en compagnon de fortune dans une entreprise périlleuse. C’est lors de cette seconde partie principalement que nous ressentons les limites de la mise en scène.
En effet, l’absence de montage impacte le rythme. La progression de l’histoire est lente. Lors de la première moitié de l’œuvre, l’aspect lancinant du tempo s’adapte parfaitement à la déambulation nocturne du groupe. Nous ressentons la suspension du temps dans ces moments où la rencontre de l’autre nous déconnecte de nos impératifs routiniers. Nous nous retrouvons auprès d’individus profitant de cet instant d’accalmie qu'est à la nuit pour s’autoriser d’agir de façon insouciante.
Dans la seconde partie, les situations vécues sont imprégnées d’une urgence et d’un danger constant. À l’opposé de la première heure, celle-ci est un cruel rappel à la réalité, aux responsabilités à assumer. Malheureusement, la mise en scène ne réussit pas à nous faire ressentir pleinement cette course effrénée pour sa vie. Certes les situations vécues nous font comprendre le drame qui se déroule sous nos yeux. Pour autant, les sensations sont trop diluées pour être tétanisée par cette descente en enfer.
Malgré ce bémol quant aux limites du plan-séquence d’un point de vu émotionnel, l’œuvre de Sebastian Schipper nous offre une proposition intéressante et stimulante sur un thème éculée. Nous prenons plaisir à suivre Victoria dans cette nuit berlinoise. Les péripéties vécues transforment une rencontre ordinaire en véritable rollercoaster.