Ce que l'on possède fini par nous posséder

« Brian OBlivion: The battle for the mind of North America will be
fought in the video arena: the Videodrome. The television screen is
the retina of the minds eye. Therefore, the television screen is
part of the physical structure of the brain. Therefore, whatever
appears on the television screen emerges as raw experience for
those who watch it. Therefore, television is reality, and reality
is less than television. »


Videodrome, c'est un peu l'aboutissement de la carrière de Cronenberg.
Le réalisateur canadien, plus connu pour ses collaborations plus consensuelle (quoique, tout est question d'apparence) avec Mortensen, a autrefois été un grand artiste du cinéma conceptuel, travaillant sur le thème de la transformation qu'il s'est quasiment approprié, traitant de sujets ambitieux, profonds et parfois provocateurs.


Videodrome est l'histoire de la décadence humaine, et cette histoire est on ne peut plus d'actualité à l'heure où Internet killed the Video star, pour le meilleur comme pour le pire. Le thème central est donc dévoiement de la nature de l'homme grâce aux technologies du virtuel, thème réutilisé avec beaucoup moins de succès dans le plutôt décevant existenZ, et le propos (thèse, antithèse) de Cronenberg est on ne peut plus clair :
D'un côté les réactionnaires se plaignent de l'aliénation de l'homme par la technologie, de son ramollissement et de sa chute inéluctable au fur et à mesure que celle-ci lui apporterait confort, sécurité, et satisfaction des besoins physiologiques par des biens intangibles (porno, aujourd'hui on pourrait parler de jeu vidéo, ayant en tête l'image des couveuses de Matrix, l'humain asservi et maintenu dans un état fœtal végétatif), avec comme cible principale la vidéo.


« Now, you and this, uh, cesspool you call a television station... and, uh, your people who wallow around in it... and, uh, your viewers... who watch you do it— you're rotting us away from the inside. We intend to stop that rot. »


De l'autre, la famille Oblivion se complaisant à l'âge d'or télévisuel, rêvant d'une existence en totale symbiose de l'homme avec la machine, ultime transformation de la chair vers une nouvelle chair : le tout numérique, ou l'homme informatisé.
La conclusion, inéluctable, dans l'embrassement de cette nouvelle chair par Max (le protagoniste principal), laisse au spectateur qui aura saisi le dilemme le soin de trancher, la puissante fin lui donnant tout loisir de cogiter.


Pour moi un des meilleurs Cronenberg, sinon le meilleur, maîtrisé aussi bien sur le fond que sur la forme (toujours très tourmentée, comme tous les films de Cronenberg de cette période).

SummerWin
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le 19 mai 2011

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Cool Breeze

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