Après Calvaire (intéressant mais inabouti), Du Welz revient avec Vinyan, plus élaboré et plus étourdissant dans ses images et dans son développement narratif. Ce n’est pas une histoire de séquestration qui est à présent racontée, mais celle d’une disparition, d’une absence douloureuse. Celle d’un enfant emporté par le tsunami de décembre 2004 et mort sans doute, perdu peut-être, fantôme revenant embraser la mémoire de ses parents, sa mère surtout pour qui le deuil n’a pas été fait. Croyant le reconnaître sur une vidéo, elle persuade son mari de partir à sa recherche au fin fond de la forêt birmane. Ce seront les prémices d’un long voyage sans retour, cathartique et éprouvant, périple d’abord géographique et physique, puis odyssée mentale au coeur d’une jungle et d’un temple envahis d’enfants.

Si la progression vers le cauchemar se fait par étapes nécessaires (la mise en place est néanmoins assez fastidieuse), il est paradoxalement regrettable que Du Welz ait voulu donner à son film une part de réel (la première heure) venant contrecarrer la partie "hallucinatoire", et qu’il n’est pas davantage insisté sur celle-ci. Là, tout devient brûlant, intense. Là, plus rien n’est décelable, envisageable, fragments chaotiques débarrassés de tout, de dialogues, d’enjeux et quasiment de couleurs (les nuances disparaissent, s’effilochent vers des teintes plus monochromes). Du Welz privilégie alors les impressions, le ravissement et l’instinctif (étonnant générique d’ouverture, à vivre comme une épreuve sensorielle totale). En cela, cette ultime fraction du film se rapproche par instants du cinéma expérimental de Philippe Grandrieux (sans en atteindre la puissance sonore et visuelle) où l’affect est préféré au rationnel, et l’intime au général.

Le spectateur entre véritablement dans un deuxième monde, végétal, hypnotique, atmosphérique (le film est rythmé par les pluies), où plus rien n’a de sens, où la réalité ne serait plus qu’une divagation métaphysique fulgurante, un long rêve flottant sur et sous les eaux de la métaphore maternelle et œdipienne (la mère surgissant des flots dans la première scène, le père tué par "ses enfants" dans la dernière). Le couple aura son apogée final, terrifiant pour l’homme, épanoui pour la femme, deux scènes magnifiques et bouleversantes où Paul est littéralement dévoré par la folie d’enfants-esprits, et Jeanne transcendée, sublimée en idole nourricière, retrouvant non pas son fils, mais des centaines d’autres cherchant à la vénérer et la goûter. Apothéoses saisissantes d’un film bancal mais véritablement grandiose dans ses derniers soubresauts, et justifiant à eux seuls la vision du film.
mymp
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le 10 déc. 2012

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