Il y a quelque chose de trop conscient dans Vinyan qui empêche la folie de naître à l’écran, une maîtrise formelle trop exhibée depuis son ouverture saisissante jusqu’à sa clausule sensuelle qui court-circuite toute progression dans la perte des repères. Dit autrement, Fabrice Du Welz réalise un film sur une détresse affective et sexuelle qui mute en fièvre hallucinatoire et orgiaque sans penser cette mutation en termes artistiques : le bouillonnement initial place d’emblée le spectateur dans une position contemplative, livré à des expériences sensorielles encore déconnectées des enjeux dramatiques – puisque de ces enjeux, nous ne savons rien. La virtuosité du geste précède l’accomplissement de ce même geste, pire anticipe sa naissance, annule son point d’origine.
Vinyan répond à des critères et à des attentes, coche des cases, démontre. Or, on ne démontre pas du sensitif, on ne démontre pas du pulsionnel, on les fait vivre tout entiers. C’est ce qui rend le jeu des deux acteurs principaux prévisible et parfois stéréotypé, en dépit de leur investissement et de leur talent respectifs. Seule la photographie, que signe Benoît Debie, apporte ce qu’il faut d’étrangeté à l’instant capté et semble prolonger l’onirisme teinté de rugosité qui définissait la découverte du village faite par les explorateurs du film King Kong de Peter Jackson, sorti trois ans plus tôt. En résulte un long métrage trop conscient de ses effets qui n’envoûte que lors de brèves séquences au cours desquelles la musique se tait et les bruits d’une nature encore sauvage grouillent à l’oreille.