Palme d'or à Cannes en 1961, ce Bunuel est surement l'un des films les plus provocants jamais parus. C'est une charge directe contre l'Espagne franquiste, marquée par un symbolisme subtil et profondément subversif.

Viridiana, au cours de ses deux parties, dresse un tableau impitoyable d'une Espagne aux abois: pauvreté galopante, décadence de la bourgeoisie et hypocrisie des instances religieuses.Seulement, Bunuel est très loin de se contenter d'une critique "conformiste" de sa société.Il frappe là où ça fait mal, et ne met pas en scène des personnages unilatéraux ou clairement décadents: point de prêtres corrompus, mais une femme se noyant dans son angélisme religieux, point de bourgeois cyniques, mais plutôt un homme solitaire luttant contre ses pulsions incestueuses, et enfin, point de pauvres solidaires et misérables, mais des êtres humains complets que la faim et l'envie pousse à accomplir l'irréparable.
C'est cette construction des personnages exemplaire qui fait de Viridiana un film si génial et particulier: l'analyse sociétale est profonde comme jamais tout en restant effacée, Bunuel laisse ses personnages se développer, le met face à leurs propres démons, les rend humains.

Bien sur, la magie de Viridiana vient aussi de son aspect symboliste. Bunuel, en bon héritier du surréalisme espagnol, parodie nombre de symboles religieux, offrant au spectateur quelques scènes totalement incroyables, à l'instar du banquet vorace des pauvres se transformant en détournement de la Cène. Cet aspect figuratif constant donne à Viridiana une force subversive inégalable et permet de multiples interprétations, tant les symboles sont nombreux et recherchés.

On pourrait aussi parler de la mise en scène millimétrée du film, de la finesse du message socialo-philosophique de Bunuel, de la formidable prestation de Silvia Pinal (!) etc... ce ne serait que trop s'attarder sur diverses interprétations de ce chef d’œuvre intemporel qu'est Viridiana.
Une seule chose, 50 ans après la sortie en salles du film, reste sure: ce Bunuel est une œuvre maitresse, profonde et subversive à voir et à revoir.
JohnnyBlaze
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le 30 janv. 2014

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JohnnyBlaze

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