Ave, JR... En effet, Agnès Varda accueille dans son univers l'artiste photographe et s'embarque même dans le camion-chambre noire du jeune homme pour un voyage itinérant à travers la France, afin d'y recueillir des visages, de village en village...


Malgré le bon demi-siècle qui les sépare, la connivence entre la vieille dame indigne, dont JR moque la petite taille et les cheveux bicolores, et l'artiste dandy - constamment "costumé", comme Varda le lui fait remarquer, avec ses lunettes noires et son chapeau - est évidente, infiniment touchante. Leurs dictions sages, très articulées et lentement posées, assoient comme un passage de flambeau, de la réalisatrice de "Mur Murs" (1982) au jeune artiste qui expose ses photos sur de hauts murs et se partage déjà entre Paris et New-York.


Le premier temps du voyage se déroule sur un ton relativement badin et la glaneuse, flanquée de son nouvel acolyte, chaparde l'image d'un postier, assemble en bouquet les ouvriers d'une usine, inscrit sur des containers empilés l'effigie de trois femmes de dockers... La conscience sociale n'est jamais loin et la gravité toujours prête à se faire jour...


Elle s'impose justement, arrivée sur la pointe des pieds, dans un joli cadre de lavandes sur lesquelles stridulent les cigales : la tombe du photographe Cartier-Bresson. L'occasion d'un court échange, sans fard :
"Tu y penses, à la mort, Agnès ?
- Ah oui ! Souvent !
- Et tu en as peur ?
- Ah non, pas du tout.
- Ah bon ! Mais pourquoi ?
- Parce que ce sera enfin fini..."
Cette séquence ouvre la voie à la nostalgie. La figure tant aimée de Jacques Demy est évoquée, d'abord brièvement mais pour revenir de façon plus bouleversante, et bouleversée, dans la grande séquence finale, à l'occasion d'une frustration - que l'on sera en droit de trouver peu élégante (mais que d'aucuns estimeront tellement subtile !...) - infligée par le résident helvète Jean-Luc Godard. Auparavant, la silhouette amie d'un jeune homme, maintenant disparu mais autrefois photographié, se sera vu consacré un beau chapitre, autour de son inscription très éphémère sur un pan de falaise effondré.


Accompagnée par les accords, entre envol et nostalgie, de Matthieu Chédid, cette longue méditation, commencée les deux pieds dans la vie et de plus en plus orientée, subtilement, vers la mort, s'achève, face aux larmes et à la tristesse d'Agnès, sur un très beau cadeau, que l'on n'attendait plus, de JR à AV.

AnneSchneider
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le 8 juil. 2017

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Anne Schneider

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