Il y a quelque chose de touchant à voir Agnès Varda, l'excentrique mamie qui ne passe pas inaperçue se promener avec JR, l’artiste de rue qui cultive son anonymat derrière un chapeau et des lunettes noires passe partout.
Il y a de la nostalgie et du respect devant cette grande dame qui a connu et participé aux heures fastes du cinéma français et qui personnifie une certaine idée de l’art visuel. Un monument vivant, voilà ce qu’elle est.
Il y a de l’émotion quand on part avec eux à la rencontre de la France, de reconnaître des champs, des carrefours, des villages qui en évoquent d’autres, on sent à la fois la variété des paysages mais aussi leur identité, leur charme “à la française”.
Il a de la fierté quand on prend conscience de la chance qu’on a de vivre dans un pays si beau (et une pointe de chauvinisme aussi).
Il y a de la fantaisie et de l’admiration devant les installations de JR, les rencontres faisant appel à la participation des habitants, des défis un peu fous, juste pour la beauté de l’image et du partage.
Il y a une volonté de découvrir de vraies personnes, de leur donner la parole sans non plus en attendre de grands discours, en en gardant quelques réflexions jetées par hasard sur les cornes des chèvres, sur le passé…


Le film multiplie les rencontres aussi éphémères que les œuvres mises en place, et c'est ce qu'on aime voir.


Et puis il y a ce qui est moins abouti qui empêche le documentaire de nous emporter totalement.
La diction des deux artistes, presque toujours en voix off manque de naturel: c’est un texte lu, certains passages semblent forcés. Ce qui est dit est intéressant mais on a l’impression que les réalisateurs s’écoutent parler. Ils cherchent les belles phrases, ils veulent toucher, mais s’ils cherchaient moins, sans doute trouveraient-ils davantage.
Même dans la façon de se mettre en scène, on doute toujours du naturel: le documentaire est plus le récit de la rencontre de deux artistes que celui de découvertes de “vrais gens”.
D’ailleurs même les anonymes récitent des textes, et ça renforce l’artificialité du documentaire.


Pourtant, au fond, on imagine que pour tous ces anonymes, le moment de partage autour d’un projet, le fait de participer à un événement aussi atypique restera un fait marquant.
J’ai déjà eu l’occasion de participer à une construction éphémère: travailler plusieurs heures avec des inconnus pour ériger un monument qui sera détruit 2 jours plus tard, c’est une expérience aussi drôle et motivante qu’inutile.
Les liens tissés à ce moment là disparaissent comme la création, mais ça montre qu’on peut bosser ensemble sur un projet, qu’on peut s’entendre sur quelque chose naturellement, il suffit qu’on nous aiguille un peu. Quelque part ça a un côté très flatteur de se rendre compte qu’en acceptant de jouer les fourmis on a pu construire (ou alors on peut voir le revers de l’expérience et se rendre compte horrifié qu’on est interchangeable et pas du tout indispensable ou différenciable du reste du groupe).


Visages villages ne nous fait pas croire qu’Agnès Varda et JR pourraient être nos amis, ou qu’ils garderont un contact éternel avec leurs acteurs d’un jour, non ils restent toujours dans leur statut d’artiste, et c’est aussi pour ça que le documentaire est finalement plus axé sur eux: les images sont belles, leur relation est originale, et l’appréciation qu’on a du documentaire dépend grandement de la sympathie qu’on éprouve pour les deux héros/créateurs/acteurs.


Il ne faut pas en attendre plus si on ne veut pas être déçus, il ne faut pas s’étonner de trouver certains passages superflus, et d’avoir un film plus autocentré qu’on pourrait le croire quand on lit ses intentions.

iori
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le 8 sept. 2017

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