Une œuvre sur une personne condamnée à mort par la maladie qui s’appelle « Vivre » et donne justement envie de croquer la vie à pleine dents, c’est peut-être paradoxal mais c’est ce qui se passe avec cette belle chronique destinée à nous faire aimer la vie. Pour son quatrième film, le sud-africain Oliver Hermanus, connu pour ses films traitant de l’homosexualité dans son pays, a décidé de réaliser le remake d’un vieux chef-d’œuvre japonais de l’illustre Akira Kurosawa : « Ikaru ». L’œuvre originale se déroulait en 1953 et sa relecture fait de même. Et il faut avouer qu’il était presque évident qu’un remake de cette histoire d’un citoyen japonais bien sous tous rapports, fonctionnaire à la vie millimétrée et ennuyante, se fonde si bien dans le moule de la culture britannique de l’époque. Les règles et coutumes de la culture britannique, suivis par les gentlemen selon un traditionalisme so british, développent quelques accointances avec les us et coutumes du pays du soleil levant. Ici, on est donc aussi bien dans une ode à la vie que dans une critique des dysfonctionnements administratifs rigides de l’époque.
Ce remake risqué s’avère donc au final quasiment évident, logique et il ne déçoit pas. Pour ceux ayant vu l’original, peut-être qu’il ne lui arrive pas à la cheville, mais quand on est vierge de toute comparaison, « Vivre » fait son petit effet et nous touche. Après un générique old school de toute beauté, faisant vibrer la corde nostalgique des cinéphiles avec ses images granuleuses du Londres des années 50, la première demi-heure patauge un peu. Les bases sont posées mais la manière dont le personnage principal assimile l’annonce de sa mort et quitte son travail ne nous a pas convaincu. Puis, plus le film progresse, plus on s’attache au personnage par petites touches et au changement (un peu rapide) qui s’opère en lui. Et la dernière partie, alors qu’il est mort, alterne astucieusement les flashbacks qui représentent les souvenirs de son entourage et la vision qu’ils ont de cet homme rigide devenu altruiste et libéré dans ses derniers instants. C’est de toute beauté et l’émotion est au rendez-vous.
C’est alors que « Vivre » développe ses meilleurs moments et nous touche en plein cœur en plus de nous gratifier d’une belle leçon de vie sans jamais tomber dans la larmoyant ou le pathos excessif. La mise en scène demeure classique mais non dénuée de belles idées (comme cette ellipse temporelle avec la caméra qui survole le bureau où officie M. Williams et ses collègues) et le tout développe une facture très académique, à l’ancienne, mais c’est volontaire et fait avec goût. Enfin, on ne peut nier qu’une grande partie du film tient sur les épaules d’un très grand comédien, injustement cantonné à des seconds rôles de prestige dans tous types de production (du blockbuster horrifique « Underworld » à un film culte tel que « Good Morning England »). Avec « Vivre » il se trouve le rôle d’une vie et sa nomination aux Oscars est le couronnement d’une riche carrière. Il est d’une justesse indéniable aussi bien en fonctionnaire à l’esprit étroit et formaté qu’en hédoniste altruiste sachant sa fin proche. Simplement et avec beaucoup de talent, il nous émeut et porte ce beau film au classicisme à l’ancienne sur ses épaules.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.