On retrouve le style unique de Jean-Michel Bertrand, cinéaste attachant et rassembleur, avec un film conçu comme un journal intime, racontant, avec sa voix off rocailleuse, son périple à travers la France, l’Italie et la Suisse, et ses moments de gourmandises (bolets découpés en lamelles puis séchées, pâtes avec du vin italien, confection de liqueur de génépi). Originaire de Saint-Bonnet-en-Champsaur (Hautes-Alpes), dans la vallée du Drac, entre massifs du Dévoluy et des Écrins, il part se ressourcer dans une cabane accrochée à flanc de falaise (qui figure sur l’affiche du film). A partir d’elle, il pose des pièges photographiques et part en bivouac, ce qui lui permet de voir 5 louveteaux et d’entendre le mâle et la femelle, d’où la pose aussi, de pièges sonores. Ses observations (fluctuation annuelle du nombre de louveteaux) confirment qu’il existe une pression des loups entre eux, conduisant à moins de jeunes quand les territoires sont occupés, témoignage d’une régulation naturelle. Le loup est un animal qui divise et qui a un potentiel électoraliste. Il se souvient avoir suivi la 1ère meute de loups en France en 2019 (cf. « Marche avec les loups ») puis l’installation de 6 meutes dans le massif. Il quitte ensuite son refuge, à moto thermique puis électrique, pour rencontrer les personnes concernées par le loup :
1 Dans le Champsaur (Hautes-Alpes), Thierry, guide de chasse, pour qui les loups écrêtent les populations d’ongulés, appartenant autant aux loups qu’aux chasseurs. Et de rappeler que la montagne est à tout le monde : randonneurs, éleveurs, chasseurs et animaux.
2 À Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique) où un loup a été percuté sur la route RD 213 (Route Bleue) le 15 octobre 2021.
3 À Dieppe (Seine-Maritime) où un loup a été photographié par une caméra automatique.
4 À Berrien (Finistère) dans les Monts d’Arrée, le 4 mai 2022 (idem).
5 Dans le massif des Vosges, à Ranrupt (Bas-Rhin) où il y a eu, fin mai 2019, une attaque d’un troupeau de moutons et de boucs par des loups. Il y rencontre Francis et Monique Schirck qui élèvent des moutons (200 brebis) dans leur ferme de Rutzenbach à Mollau (Haut-Rhin). Protégeant leur troupeau contre les actes de prédations grâce à plusieurs mesures (clôtures, chiens, nuit en roulotte), ils considèrent que le débat, pour ou contre le loup, est dépassé. Le retour du loup rend indispensable les bergers. Ces derniers témoignent : une bergère a connu 5 attaques, un autre a changé d’avis (favorables aux loups auparavant), un autre déclare que le loup rend paranoïaque, une autre considère que cela fait partie du métier. Ainsi, un berger qui a perdu 45 moutons (sur 1 300 brebis = 3,4 %) malgré 7 patous (= chien de montagne des Pyrénées), reste philosophe : « le loup est comme la météo, on subit ». En France, il y a 7 000 chiens de protection (qui consomment des croquettes !) pour 1 000 loups.
6 Dans les Baronnies (massif à cheval sur la Drôme et les Hautes-Alpes), où il y a beaucoup de loups et aussi beaucoup de troupeaux ovins. Il y rencontre Joseph et Olivier qui effectuent la transhumance à pied (pendant 2 jours, au lieu d’avoir recours à des camions) : ils reconnaissent avoir été bien aidés par l’État qui favorise le maintien des systèmes pastoraux. Le loup est protégé mais l’État autorise beaucoup de dérogations.
7 Au col des Sagnes (Alpes-de-Haute-Provence), des bénévoles viennent écouter les éleveurs qui installent des clôtures et ont recours aux chiens et aux bergers, vivant nuit et jour avec le troupeau. Les éleveurs acceptent la cohabitation.
8 En Italie, où le retour des ongulés sauvages s’est accompagné de celui des loups qui n’ont jamais disparu, notamment dans les Abruzzes et où les conduites d’élevages sont différentes.
9 Dans le Haut-Valais (partie germanophone du Valais Suisse) et fief historique des anti-loups (la nuit, des bénévoles surveillent les troupeaux).
Un film objectif, dépassionné, donnant la parole aux gens raisonnables et dont le titre sert aussi de conclusion.