Une marche funèbre dans les rues de la Nouvelle Orléans se transforme en joyeuse fanfare après qu'un badaud ait été poignardé et promptement mis en bière, un homme meurt d'une manière « assourdissante » au conseil de l'ONU à New York et un autre est exécuté par morsure de serpent alors qu'il est mis au pilori dans une fête vaudoue sur l'île caribéenne fictive San Monique. Trois meurtres d'agent du MI6 dans une intro qui plante le décor et nous met dans le bain du film. Le somptueux générique qui suit est également truffé d'imagerie vaudoue sur une chanson de Paul McCartney. Un clin d'œil gonflé à une citation de Bond qui avait fait scandale dans Goldfinger : « Ma chère petite, il y a des choses qui ne se font pas, telles que de boire du Don Pérignon 55 à une température au-dessus de trois degrés. C'est aussi malsain que d'écouter les Beatles sans boules Quiès. » Ironiquement, Live and Let Die de Cartney est devenue culte et est aussi probablement la meilleure chanson de toute la saga.


Après ce début très réussi, on découvre en même temps pour la première fois l'appartement de Bond et son nouvel interprète : Roger Moore, connu jusque-là dans les séries britanniques Le Saint (1962-1969) et Amicalement vôtre (1971-1972). La visite impromptue et matinale de M et de Moneypenny chez 007 est du plus haut comique, ce qui donne le ton de sept films plus axés sur la comédie d'aventure que sur la fidélité aux récits d'espionnage plutôt sombres de Ian Fleming. Le vaudou et les superstitions cartomanciennes sont ici surtout des prétextes au comique, et l'action-aventure à grand spectacle est omniprésente comme dans la mémorable course-poursuite dans les bayous louisianais où les hors-bords « filent comme des truites vaselinées » et où la police en prend pour son grade.


Blofeld et ses clones étant mort dans Les diamants sont éternels (1971), Bond doit cette fois s'affronter au trafiquant d'héroïne Dr Kananga alias M. Gros Bonnet, joué de façon honnête par Yaphet Kotto. Les Bonds Girls, Jane Seymour dans le rôle de Solitaire et Gloria Hendry dans le rôle de Rosie Carver, sont elles aussi belles que cruches. La phrase de Solitaire à la fin « C'est la première fois de ma vie où je me sens totalement femme » est à mettre au panthéon des répliques féminines gnan-gnans de la saga. Les seconds rôles seront de toute façon peu mis en valeur dans cet épisode, plus concentré sur l'immersion dans la culture afro-américaine et l'impact exotique qu'elle pouvait avoir à l'époque. Le film est en effet contemporain de l'essort de la blaxploitation aux Etats-Unis : des films par, pour et avec des noirs comme dans Les nuits rouges de Harlem (1971). Vivre et laisser mourir reprend donc à la sauce bondienne les éléments les plus folkloriques de cette vague cinématographique, ce qui donne un film aujourd'hui délicieusement daté et outré, jouant sur les antagonismes et les stéréotypes raciaux d'alors : James Bond suivant une voiture conduit par des Noirs y devient « une aspirine qui nous suce la roue » et le policier J.W. Pepper (Clifton James), qu'on reverra dans L'homme au pistolet d'or (1974), est très bien caricaturé en raciste pataud.

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le 10 avr. 2015

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