Ce n'est pas la première fois que je trouve le style de Jean Renoir très crispant (alors qu'il est l'auteur d'un des plus grands drames en temps de guerre à mes yeux, "La Grande Illusion"), et ce troisième film de la série des six réalisés aux États-Unis ne va pas me réconcilier avec lui sur ce sujet. Un film de commande, un film de propagande en temps de guerre, situé pendant l'occupation dans un pays indéterminé quelque part en Europe — il s'agit de la France évidemment — et un film sur un personnage écrit de manière vraiment grossière sous les traits de Charles Laughton en instituteur vieux garçon amoureux d'une femme fiancée à quelqu'un d'autre. Le but étant de montrer un village français occupé par des nazis qui ressemblent davantage à des méchants d'opérette dans lequel on nous montre comment un citoyen lâche et peureux devient brave et courageux.
Renoir y va avec la truelle taille XXL pour nous construire son récit où tout est artificiel, les relations entre les habitants, les sentiments, l'oppression, la résistance... Cette direction d'acteur particulièrement rigide et ce scénario parfaitement vulgaire ne se souciant pas de la subtilité minimale requise pour décrire les actions est vraiment caractéristique d'une partie de son œuvre et je n'adhère vraiment pas du tout. Une scène pour l'exemple : le fiancé collabo, qui vient de lâcher une colombe par la fenêtre (qu'un nazi voulait bouffer) après avoir eu un sursaut de culpabilité, se suicide en se tirant une balle dans la tête pile au moment où le protagoniste débarque dans son bureau, ramasse l'arme, et se fait surprendre par une tierce personne avant d'être accusé du meurtre... Grotesque et grossièrement écrit, désamorçant totalement les enjeux recherchés.
Indépendamment de ces horreurs scénaristiques et de mise en scène, je trouve que Laughton est à des années-lumière de ce dont il est capable, Kent Smith campe un résistant sans âme et sans vie (en tant que personnage), Maureen O'Hara sert avant tout de faire-valoir peu intéressant et George Sanders fait office de petit ami collabo notoire franchement pas très impliqué dans son rôle. Et le personnage de la mère de Laughton est à l'avenant. Décidément, il y a quelques réalisateurs comme Lang et Hitchcock dont les virées nord-américaines ne me convainquent pas le moins du monde, avec un style européen implanté à Hollywood sans résultat positif, pétri de caricatures difficiles à avaler. Pas le portrait du courage le plus éloquent.