D'un côté son franc-parler, de l'autre son énorme melon ; d'un côté son intelligence dans le regard sur l'intime, de l'autre ses gros sabots sur les sujets politiques... D'un côté des chefs d’œuvres, de l'autre des navets même pas bankables.
Dans ce film-ci, il a voulu présenter un thème qui lui est cher et propre : la duplicité de l'homme, cause ou conséquence de sa soif d'aventures.
Le film oscille donc entre la vie flamboyante du grand reporter qui veut montrer "La Vérité" et sa vie privée faite de mensonges, dans une composition qui par moments frôle la cacophonie.
Il y a donc d'un côté ce cinéma voué aux corps, aux regards et à la musique, bien plus subtils, bien plus expressifs que des dialogues. De l'autre il y a ce bric à brac de séquences en plein air au message politique vague. C'est sur fonds de tam-tams colorés et de caméra embarquée virevoltante que l'on se trouve en Afrique noire ; les nuances de gris et les ballades douces-amères nous accompagnent au Vietnam. Pourquoi, j'ai pas bien pigé j'avoue, mais ça encombre pas mal le film.


Une chose que l'on ne lui enlèvera pas, c'est sa passion pour les acteurs et la fabuleuse direction d'acteur qui en découle (voir la scène de fin de La Bonne Année, dans laquelle il a laissé Lino Ventura en roue libre qui, s'interrogeant réellement sur l'issue, laisse notre cœur pencher et choisir).
De son propre aveux, Lelouch a choisi Montand parce qu'il voulait à la scène un adultère aussi pathétique que lui (à la vie), mais il a dû lutter pour éviter que le Papet n'en fasse un trop brave type. Au final le réal a gagné, mais pas tout à fait, et Montand aura rarement joué avec autant de justesse. Si on peut l'aimer dans la Folie des Grandeurs, il n'y a guère que dans des rôles contenus qu'il est fort, et pololo, qu'est-ce qu'il est fort... Je lui en avais tant voulu d'éclipser la finesse du jeu de Villeret par son cabotinage dans Garçon ! de Sautet... Même Costa-Gavras n'avait pas totalement réussi à me réconcilier...


J'aurais voulu parler des femmes aussi. Candice Bergen est belle et Annie Girardot est merveilleuse, dans ses silences comme dans ce petit ton sec un rien vulgaire qu'elle peut prendre. Lelouch comme Truffaut jouent un jeu assez tendu avec leurs héroïnes, des femmes élégantes, joliment filmées, mystérieuses, éventuellement ironiques, chez qui l'on soupçonne l'intelligence mais qui restent toujours un peu insaisissables. Le cœur du propos est toujours le leur, celui de l'homme, ses sentiments, ses doutes, ses fantasmes, et ils les filment mieux que personne. Avec Sautet, allez.

claucloc
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le 11 juil. 2017

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