Le bonheur est dans le trio
Deux frangins mécanos coulant des jours pas franchement folichons à Montbard prétextent d'une visite à leur mère à Saint-Jean-de-Luz pour s'embarquer dans un périple sur les routes de France. L'aîné, pragmatique et ronchon, le cadet, éternel ado et rêveur accompli, traverseront finalement l'Hexagone à trois, flanqués d'une superbe créature fuyant une relation proche de la torture et n'ayant jamais vu la mer. Fatalement, en cours d'expédition, au vu de circonstances favorables à la stimulation des sens, ce qui doit arriver arrive.
À mi-chemin entre la comédie de mœurs, le road-movie et le roman d'apprentissage, Voir la mer est avant tout une formidable bouffée d'oxygène, une ode à l'aventure bucolique improvisée des beaux jours, à la sexualité sans conséquence filmée avec une pudeur bannissant toute dimension morale, mais aussi aux derniers feux de l'adolescence chez de jeunes trentenaires redécouvrant de drôles de premiers émois face à de nouvelles expériences.
On pense forcément aux Valseuses, crudité en moins et subtilité en plus, à Jules et Jim, agrémentés d'un petit parfum de vacances sur les routes d'une campagne française familière et réconfortante, pour suivre avec bonheur ce film sans prétention, savoureux – le concours de Petits Beurre –, finement réalisé, touchant par sa simplicité – on entend déjà les quolibets rabâchés, auxquels nous ne souscrivons en rien, sur la prétendue béatitude du cinéma français –, aussi radieux qu'un dimanche d'août en pleine nature.
Et si à l'approche de la mer la vie se charge de rappeler nos deux compères aux vicissitudes de l'âge adulte, ce regard lucide mais plein d'optimisme sur la fin de la prime jeunesse n'en est que plus touchant. Lumineux.