Les raisons du succès à la fois populaire et critique de One flew over the cuckoo's nest s'expliquent logiquement, Miloš Forman conciliait comédie dramatique et huis clos psychologique, tel un faux divertissement sur la condition d'aliénés mentaux. Mais la plus grande réussite de ce film réside bien dans la densité du propos, puisqu'au-delà de souligner la difficulté qu'éprouve chacun (de l'interné sain d'esprit, au malade, au plus simple civil et gardien de nuit) à surmonter l'obstacle du diktat, le cinéaste saisit toute l'ambiguïté morale de ses personnages : McMurphy n'est pas plus fou à lier que les autres, il prétend l'être pour surmonter sa peine de prison, et incitera les patients à commettre les actes les plus improbables.


Que faut-il faire pour trouver liberté ? McMurphy est le symbole de cette grande question, bravant tous les dangers de l'asile pour la saisir, remettant en cause la raison même de la venue de certains des passagers, devenus aliénés au système - plus laxiste, et paradoxalement plus infernal que le pénitencier. La parole comme l'oreille est réveillée par la vie du personnage-oiseau (symbole similaire au Birdy d'Alan Parker), que l'on estimera enfui en fin de film, McMurphy est parvenu à l'irréalisable : faire prendre conscience à chacun de sa force de caractère, pour surmonter les épreuves.


Psychologique, tant la comédie et farce du personnage trouve toujours fin, par électrochoc ou dialogues incisifs de la gouvernante provoquant la crise des patients, le long-métrage oscille ainsi entre moments heureux et nouvelle décadence mentale de ses détenus. Tel un effort déjà consommé que l'on écrase, d'un sourire à l'expression abasourdie de Nicholson -moins malin et davantage manipulé aux manœuvres, il faudra la montagne pour soulever le bloc hospitalier. Cette ambivalence suit logiquement le message délivré par Forman : revoir le corps inanimé de Nicholson, et espérer que la comédie se déjoue de nouveau, si elle l'est un jour.


Les moments les plus chaleureux du film, où chaque acteur semble s'exprimer en roue libre, appellent au rêve, par la lumière du chef opérateur comme la mise en scène bien plus dynamique (l'échappée, la nuit avant Noël), venant perturber le cours mécanique des journées de l'asile. Malheureusement, et comme le suggérait déjà l'introduction, cela ne sera qu'illusion pour le personnage à raison de ce qu'il deviendra physiquement, et psychologiquement. Le pathos est habilement évité, puisque ne seront reprises que les mimiques déjà aperçues auparavant dans le film, à la différence qu'un geste, mot, et regard diffère, revêtant un sens tout autre sur l'intention des personnages.


L'Indien, figure pouvant représenter d'ailleurs les tentatives d'oppression de l'Amérique, achèvera le protagoniste pour le libérer, et permettre à tous de croire en l'envol. Outre le propos social du film, évoquant institution pénitentiaire et mentale désœuvrée et totalitaire, One flew over the cuckoo's nest est un grand film politique. En ayant voulu posséder l'individu comme la chose qui ne lui appartenait pas, l'Amérique est devenue monstre.


A la légende de la montagne, de faire des miracles et soulever les restants de cet Etat-systémique...

William-Carlier
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le 9 déc. 2021

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William Carlier

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