Cette avis comporte des SPOILERS. Je ne vous recommande donc pas de la lire si vous n'avez pas vu le film.
Ce film me touche profondément. Les personnages sont bouleversants (même le sociopathe Mc Murphy, interprété royalement par Jack Nicholson), l'ambiance si particulière d'une clinique me paraît juste - en tout cas, elle me rappelle certaines de mes visites dans des EHPAD - et la réalisation du film est tout à fait pertinente.
J'ai lu une critique sur Sens Critique (de Sergent_Pepper) à propos du fait que le personnage filmé est plus souvent celui qui écoute. J'apprécie cette esthétique, magnifiée par la tendance des films de cette époque à laisser des plans un peu plus long sur des personnages, même lorsque l'action est terminée. S'il en ressort une impression quelque peu étrange, du fait de nos habitudes actuelles, ces scènes résonnent particulièrement en moi. Un plan un peu long sur le sourire hébété de Martini (Danny DeVito) me transmet automatiquement son sourire. Les regards circonspects, tel un spectateur curieux, de Taber (Christopher Lloyd) contribuent à l'atmosphère pesante de la clinique.
Les diverses évolutions des personnages au contact de Mc Murphy sont palpables, et parfois bien plus bénéfiques que les thérapies psychiatriques douteuses de l'époque que le film dénonce. On a par exemple un Cheswick (Sydney Lassick) bien plus affirmé, un Billy (Brad Dourif) qui surpasse sa timidité et son bégayement avant que la terrible Miss Ratched (Louise Fletcher) ne transforme la bévue du jeune homme en affaire personnelle. On peut aussi penser au Chef (Will Sampson) qui finit par trouver le courage et la force, dont son père avait été dépouillé, afin d'enfin oser s'enfuir.
En parlant de cette fuite, la scène finale est un de mes moments les plus marquants du cinéma. Le plan fixe où l'on voit juste le titan indien s'enfuir dans l'obscurité, sous l'hystérie de Taber et juste après avoir achevé son ami, est juste merveilleux. D'une simplicité déconcertante, mais ô combien efficace.
Une autre scène qui m'a marqué est celle de l'arrivée de Mc Murphy à la clinique. Le parti pris de le filmer depuis l'intérieur, symbolisant l'arrivée d'un évènement perturbateur au sein de cette mécanique si bien huilée. J'aime beaucoup le premier contact avec les résidents de la clinique également, la plongée/contre-plongée qui donne la sensation de Mc Murphy va se faire bouffer tout cru, bien qu'il ne semble nullement impressionné.
J'ai vu plusieurs critiques pointant le fait que le film était manichéen. J'aurais été d'accord s'il n'y avait pas la scène de discussion à la suite du vol du bateau. Alors que les dirigeants hésitent à renvoyer Mc Murphy en prison ou à le placer dans le département des personnes dangereuses de la clinique, Miss Ratched demande à ce qu'il soit laissé dans son service. Elle plaide alors l'humanisme, affirmant qu'on ne peut pas se débarrasser des problèmes en les écartant. La scène peut paraître effroyablement ironique lorsqu'on voit les agissements de l'infirmière, néanmoins elle témoigne de sa volonté et de sa conviction d'agir pour le bien de ses patients. Même s'il s'agit là de l'unique éclaircie d'un personnage qui a vite fait de nous énerver (alors même qu'elle est en rivalité avec un dangereux sociopathe arrêté pour viol sur mineur ... c'est peut-être là un autre aspect discutable du film, bien que ça ne le soit pas à mes yeux).