Etudiant en médecine, j'ai été très particulièrement touché par ce film, d'une part par le jeu si juste, crédible, empreint d'un authentique grain de folie de Jack Nicholson mais surtout par la précision morbide des regards vidés d'amour, du déni social, des expérimentations humaines.
J'ai eu l'occasion de voir des sismothérapies (patient en décubitus, deux électrodes aux tempes pour déclencher une crise d'épilepsie) , moyen peut-être thérapeutique, en tout cas psychiatrique d'agir sur certains troubles mentaux. Ces visions sont coincées dans ma mémoire, comme des oiseaux sans aile condamnés à rester dans cette cage pour toujours. "S'ils le font, c'est que ça doit fonctionner d'une manière ou d'une autre". Je doute de plus en plus de ce premier constat rassurant que j'avais fait la première fois que j'ai assisté à un tel spectacle.
Quelle est la différence entre un psychiatre et un interné? Le psychiatre rentre chez lui le soir.
Il ne s'agit pas là de dénigrer une profession, j'ai rencontré quelques médecins psychiatres très humains, authentiquement intéresses par la progression de leurs patients. Mais l'histoire de la psychiatrie est très noire, une douleur sourde de la médecine, une médecine de contrôle social et non thérapeutique.
Il faut cependant faire attention à ne pas tomber dans certains écueils: les troubles mentaux sont excessivement difficiles à diagnostiquer et à traiter, la médecine psychiatrique a tout de même progressé ce dernier siècle, même si tout reste à découvrir et améliorer.
Ce qui fait la valeur de ce film, c'est qu'il est une stèle, posée là à la fin du XXème siècle, rappelant aux voyageurs intellectuels, aux historiens, aux médecins, la présence de ces êtres de peine dont les honnêtes gens aimeraient bien oublier l'existence.
"Surtout surtout, sois indulgent, hésite sur le seuil du blâme, on ne
sait jamais les raisons, ni l'enveloppe intérieure de l'âme, ni ce
qu'il y a dans les maisons, sous les toits, entre les gens."
Cocteau