Après avoir lu Coeur de Chien, cet immense chef d'oeuvre de Boulgakov, défenseur des belles lettres face à l'éternel et cauchemar spirituel de l'ignorance bolchévique, c'est avec plaisir que je me suis procuré le Maitre et Marguerite dans cette magnifique édition. Je suis attaché à Boulgakov, peut-être parce qu'il est russe, certainement parce qu'il était médecin, évidemment parce qu'il était brave et n'a jamais renié ses valeurs. Je l'aime pour son patriotisme éclairé, sa curiosité insatiable et son imagination intarissable.
Le maître et Marguerite est caractérisé par des frappes culturelles chirurgicales comme toujours avec cet auteur : tout est remarquablement précis, détaillé, jusqu'à la relation de Ponce Pilate sous son péristyle avec son chien Banga, seul réconfort face à ses migraines insoutenables.
Dans ce livre, on rencontre Ponce Pilate, mais aussi le diable, la belle Marguerite, un cochon volant, Béhémoth le chat noir (qui par ailleurs manie les armes à feu), Koroviev le dandy monoclé, Azazel le tueur et Hella la succube. Au cœur de Moscou. Pendant le régime de Staline.
Le Maître et Marguerite est avant tout une magnifique histoire d'amour, franche, forte, douloureuse, poignante et transcendante.
Mais le Maître et Marguerite est une réflexion sur la censure, le mysticisme, l'histoire, la mythologie, la corruption, l'art, les animaux, la Russie, et sur l'auteur lui-même. Ce médecin de la Russie blanche, laissé pour mort dans la neige, mordu par les poux de corps, dévoré par le typhus. Ce médecin qui s'est relevé sous les coups de la censure et la maladie.
Il n'y a pas de livre qui ait plus changé ma vie que celui-ci, qui ait davantage laissé sa marque sur mon âme. Je pense souvent à Ponce Pilate pendant mes migraines, et j'espère tacitement la venue du Diable, si dandy et bonhomme, dans ce monde de mensonges et de censure.
«Tu es libre! Libre! Il t’attend!». Et Pilate s'élançait sur le chemin de lune, ensemble avec son chien fidèle...