My dear hunter
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le 10 mars 2011
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Cimino ne filme pas le Vietnam (à peine 40 minutes de film), mais livre peut-être le plus grand film sur le sujet. Et c'est perturbant. Parce qu'il ne commente pas cette guerre de manière politique, mais parle d'hommes, de déracinement, de perte de foyer, d'amour caché, et de la destruction des liens.
Il nous laisse bien prendre connaissance avec les trois protagonistes principaux, lors d'une première heure alternant entre documentaire (tout le passage à la fonderie) et cadrage au plus près, à la limite de la barrière intime (le mariage et la partie de chasse).
Steve (John Savage) est le plus fragile des trois personnages principaux. Se mariant à une femme qu'il n'aime pas, juste pour lui éviter le déshonneur d'une grossesse sans père, il est constamment malmené par sa mère, et cherche auprès de ses amis le soutien moral et psychologique qui lui fait tenir le coup.
Nick (Christopher Walken, impressionant) est de prime abord le plus gentil de la bande. Il vit avec Michael (Robert De Niro), et semble s'attacher à Linda (Meryl Streep). Je dis semble, car la relation avec Michael est très ambiguë: leur attirance mutuelle va au-delà de l'amitié. Et Michael ne la cache qu'à peine lorsqu'il déclare à Nick qu'il est le seul avec qui il se sente bien quand il va chasser.
Michael est celui qui paraît assurer le lien entre tous les autres, de par son côté charismatique et posé (même si, après avoir bu au mariage, on s'aperçoit qu'il est une cocotte-minute; de même lors de la partie de chasse du début, sa colère froide envers Stan (John Cazale, une nouvelle fois brillant) est très flippante).
Le Vietnam va avoir des répercussions sur ces trois (mais aussi sur leur entourage). Ils vont tous revenir avec leurs propres déchirures. Steve, le plus craintif, va se retrouver à devoir chercher auprès de Michael le soutien moral et psychologique qu'il a perdu en partant au Vietnam. Sa blessure va le rendre handicapé à vie, sa blessure étant physique.
Nick va devenir fou. Le jeu de la roulette russe va le faire vriller, mais on s'aperçoit qu'il va mal vivre le rapprochement entre Michael et Steve. Ce jeu mortifère va être sa fuite en avant, sa manière à lui de vivre son abandon de la réalité.
Michael va revenir entier physiquement, mais marqué à jamais. Et une nouvelle fois va être celui qui va créer le lien entre les personnages: il va aller chercher Steve dans son institution pour le ramener parmi ses proches. Il va également tenter de trouver Nick dans un Saïgon en cours d'évacuation, et le ramener, mais dans un cercueil, ce dernier ayant perdu tous liens avec la réalité, fini par mourir à la roulette russe. Son changement est synthétisé par la partie de chasse après le Vietnam, où il montre sa facette aux autres, après avoir laissé la vie sauve à un daim. Il ne supporte pas de voir Stan menacer Axel avec son arme, et il replonge en plein trauma.
Michael va alors pouvoir se mettre en couple avec Linda, mais ce sera par défaut, car son vrai amour à disparu.
Ce film est déchirant sur les plans des relations entre les personnages, car il s'avère être un mélodrame plus qu'un film de guerre. Il traite des conséquences de celle-ci, ce qui explique des raccourcis parfois limite (les Vietcongs ne sont pas caractérisés autrement que sous forme de tortionnaires), ou des césures de récit abruptes (comme cette transition radicale qui nous plante au Vietnam sans rupture réelle du récit).
Cimino nous montre des hommes vivant ensemble, autour de moments en commun. Et ce sont ces moments que la guerre a définitivement tué entre eux. Enfin, pas tout à fait, car la scène finale où ils entonnent God Bless America (qui est tout ici sauf un hymne à la gloire de l'Amérique triomphante) les rassemble.
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Créée
le 30 juil. 2024
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