Ennuyant, puis éprouvant, et enfin saisissant

Un des premiers films sur la guerre du Vietnam (si ce n’est le premier), Voyage au bout de l’enfer se concentre sur les conséquences de la guerre sur trois soldats américains et leurs familles, les stigmates et l’horreur qu’elles ont provoquée chez eux.


Je dois dire que j’étais à deux doigts d’arrêter de visionner ce film, ou de continuer à le faire mais en diagonale (c’est-à-dire en m’intéressant à autre chose), tellement que je me suis ennuyé au départ. On ne va pas se mentir, la première heure du film (ce qui est énorme) est tout simplement soporifique. Aussi, si j’en étais resté là, j’aurais intitulé ma critique « Voyage au bout de l’ennui ». La scène d’ouverture n’a aucune accroche, tant et si bien qu’on ne sait même pas ce que l’on regarde. La longue et pénible et interminable et inutile et agaçante et incompréhensible scène de mariage est parfaitement anecdotique. On se demande pourquoi elle dure trois plombes. OK, elle plante le décor, elle permet de présenter les personnages, les rapports entre eux, etc., mais enfin tout cela aurait pu être synthétisé en 5 minutes, ça n’aurait rien changé au reste du film (et au passage on aurait gagné en rythme).


En réalité, le vrai du film commence au bout d’une heure, de but en blanc, nous nous retrouvons dans l’horreur d’une bataille au Vietnam. Les trois soldats amis se retrouvent prisonniers, et les soldats vietnamiens s’amusent à parier sur eux lors d’un concours horrible de roulette russe, une activité macabre qui devient dès lors le leitmotiv du film. Enfin, l’œuvre prend tout son sens, en dépit des réalités historiques (il semblerait qu’aucun cas de roulette russe n’ait été rapporté pendant la guerre du Vietnam selon les détracteurs du film).


Franchement, j’aurais préféré être épargné de la première heure de film, qui aurait pu gâcher toute mon expérience. Les deux heures suivantes sont fort heureusement bien plus efficaces et prenantes, à ma grande surprise. J’ai apprécié la façon dont la guerre est présentée, en mettant l’accent sur ses aspects les plus abjects (y a-t-il seulement de bons aspects ?). Je dois dire que j’ai été par moment dégoutté, et même franchement horrifié. Le film ne nous épargne pas. Il nous maltraite presque en vomissant la vérité sur ces guerres immondes, où les hommes ne sont plus vraiment des hommes, tout juste des bêtes acculées, livrées à elles-mêmes, et lorsqu'ils en sont rescapées, jetées en pâture dans une société qui ne leur appartient plus.


Les acteurs m’ont fasciné, Robert De Niro est magnifique comme toujours. John Savage, que je ne connaissais pas, m'a pris au trippe, Christopher Walken est également saisissant. Un trio qui porte le film de manière magistrale, il faut dire que l’écriture de l’histoire et que la définition de leurs personnages sont vraiment soigné, ce qui contribue grandement à les faire briller (après la première heure de film, j’entends bien). Le film a aussi été l’occasion pour moi de découvrir l’histoire de John Cazale et Meryl Streep, qui était ensemble à cette époque. Pour être tout à fait honnête, il y a certaines séquences du film ou j’ai trouvé John Cazale pas très en forme physiquement, ce qui m’a poussé à aller visionner sa page Wikipedia, et c'est ainsi que j’ai découvert sa tragique histoire, car il jouait ici son dernier film, en luttant contre un cancer. Mort avant la fin du tournage, il a été épauler par son amie Meryl Streep jusqu’au bout, qui d’ailleurs a accédé à ce rôle pour être à ses côtés… Une histoire bouleversante cachée derrière une autre histoire bouleversante.


Mais j'en reviens au film... D’un point de vue technique, je ne vais pas vous pondre une grande analyse, juste vous parler de mes impressions. Il est possible que je me trompe complètement, mais j’ai trouvé le film mal foutu, surtout et notamment dans le montage et dans le rythme. D’abord, l’œuvre s’éternise là où on aimerait que ça aille plus vite, ça se précipite là où on a envie d’action, ça reprend son temps, ça repart, ça retombe… bref, des montagnes russes inversées, qui joueraient presque avec nos nerfs. La photographie est dingue, la réalisation est aboutie. Apparemment, la musique à une grande importance dans ce film, en ce qui me concerne, je n’y ai prêté aucune attention. J’ai bien sûr relevé les chansons populaires russes, les hymnes et autre God Bless America, mais je ne trouve pas que la musique accompagne si bien que cela le récit.


En conclusion, je me suis d’abord bien fait chier, je me suis endormi, puis j’y suis retourné et j’ai découvert un intérêt vers le milieu du film, j’ai compris au bout d’une heure trente où il voulait en venir, et j’ai commencé à me sentir impliqué. Je ne dirais pas que j’ai passé un bon moment, a vrais dire j’ai trouvé ce spectacle éprouvant, d’abord avec la mort du cerf lors d’une partie de chasse, qui lui ne fait pas de cinéma (franchement, je l’avoue, j’étais scandalisé, et j’aurais préféré ne pas voir cette scène). Les séquences de roulettes russes, ne sont pas moins horrifiantes, et illustrent les dérives de la guerre qui en soi demeure elle-même une sorte d'immense dérive de l'humanité. C’est un film que je ne regrette pas d’avoir vu, mais je ne suis pas trop friand des films de guerres et je ne peux m’empêcher d’avoir l’impression de me faire plus de mal que de bien en visionnant ce genre de film (oui, oui, je suis une petite chose fragile et sensible). Reste que le film, au final, est très abouti, et qu’il a du sens, malgré le fait qu’il soit parfois un peu mal foutu à mon gout.

Casse-Bonbon

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