Quand Levin est titré, il faut le voir
Adaptation absolument délicieuse de Jules Verne, ce film en cinémascope et technicolor représente un peu la quintessence du film d’aventure à l’ancienne qui enchantera encore n’importe quel bambin d’aujourd’hui et même vous si vous avez un minimum d’éducation et de pudeur.
Henry Levin est probablement un tâcheron insignifiant dont ce film reste le seul titre de gloire, mais si vous connaissez le fonctionnement des studios d'alors, vous pouvez être sûr que cela n'aura aucune importance et qu'il aura au moins tout le métier nécessaire au bon déroulement du récit.
James Mason est écossais (ça change du bouquin, mais on s’en branle, et pis, c’est chouette les écossais, ça donne une introduction ravissante en diable !), un professeur réputé qui vient d’ailleurs d’être anobli, faisant la fierté de tout Edimbourg… Veuf comme seuls les britanniques savent l’être, il promène gentiment dans un dix-neuvième siècle de carte postale cette douce misogynie qui fait tellement parti de son caractère film après film qu’on ne peut s’empêcher de le trouver terriblement sympathique. Il s’entoure d’une jolie fille et d’un élève prétendant à celle-ci et découvre un jour un message venu à la fois des temps anciens et du fond de la terre.
A ce moment là, l’aventure commence, il y a un volcan en Islande, un autochtone géant, une suédoise en corset et une cane qui s’appelle Gertrud. En mystérieux méchant, nous avons le droit en bonus à un personnage assez réussi, au physique et au visage porcin, impossible résultat d’un aristocrate nordique consanguin qui aurait été abâtardi avec un teuton bouffeur de saucisses… L’oeil torve et la bouche cruelle, le comte Saknussem est un parfait héros de bandes dessinées, avec une petite touche nietzschéenne en prime, ce qui ne gâche rien.
Une bande dessinée, oui, le film en a beaucoup d’aspects, il y a du Edgar P. Jacobs dans ces merveilleux décors sous la terre, il y a déjà de l’Indiana Jones aussi, et tonton Spielberg pioche allègrement dans cette petite merveille…
Dommage qu’il ne pousse pas le plagiat plus loin d’ailleurs, parce que je préfère mille fois les dinosaures de ce film que les machins froids de son Jurassic Park… Des iguanes avec une crête dorsale… quelle idée merveilleuse et délicieusement effrayante…
On se croirait parfois dans un film Disney, il y a Pat Boone qui à le genre de rôle typique, un animal comme mascotte, quelques minuscules scènes musicales dont une merveilleuse pour commencer l’expédition en cordée, et puis, James Mason rattache un peu ce film au 20 000 lieues sous les mers de Fleischer que j’ai bien sûr terriblement envie de revoir maintenant.
A noter tout de même que sous la terre, loin du regard de Dieu et des hommes, les plus terribles tragédies peuvent avoir lieu et je préfère prévenir par avance les âmes sensibles que celle qui se cache dans ce film est des plus poignantes.
Mais bon sang de bois que cela fait du bien un vrai film pour les gosses et que les adultes adorent tout autant… Je n’ose imaginer ce genre de film avec les horribles tics visuels d’aujourd’hui, et je bénis chaque jour le ciel pour ces mises en scène élégantes des années cinquante où l’on savait raconter une histoire, diriger les acteurs, donner de l’épaisseur aux décors, soigner amoureusement les petits détails, travailler les couleurs et surtout prendre calmement son temps pour ne pas gâcher le nôtre.