La destinée d'un couple est-elle déjà écrite à l'avance? Le réalisateur est-il, en tant que représentant démiurge, fait à l'image de Dieu tout-puissant, et par conséquent capable de définir le devenir de ses personnages? Avec Voyage en Italie, Rossellini répond “non”.
Ce rapport radical à la liberté mène le cinéaste, chef de file du néo-réalisme, et donc figure de proue d'une nouvelle forme d'écrire, de raconter et de filmer, à rompre avec le Saint scénario, sorte de livre sacré au cinéma. Si bien que ses acteurs, notamment George Sanders, si habitué à l'organisation Hollywoodienne, se retrouvent confrontés au doute existentiel, tant ils ignorent ce qu'il adviendra demain. Si bien que l'histoire emprunte des chemins inattendus, et étonne le spectateur - ce qui, sans aucun doute, est positif.
En effet, cet - a priori - banal voyage en couple dans ce pays si romantique qu'est l'Italie laisse présager d'un récit bien conventionnel. Or, assez vite, cet itinéraire est interrompu par des troupeaux d'animaux, se voit dévié ou interrompu, puis se divise, chacun des membres allant de son côté vers son idéal individuel ou son plaisir personnel au lieu de se joindre harmonieusement dans une jouissance unique quoique à deux. C'est donc de couple qu'il s'agit, et de sa rupture, d'un conflit acté et semble-t-il, irrésoluble.
Ce drame à deux où s'affrontent cruellement les égoïsmes fait preuve d'une grande modernité pour l'époque. On y parle ouvertement de divorce, de séparation, de sujets scabreux pour l'époque. Toutefois, avouons-le, rien qui ne nous choque aujourd'hui. Par ailleurs, le manque de préparation de Rossellini qui improvise au jour le jour, déteint négativement sur l'image : aucune recherche esthétique, très peu de plans travaillés, guère plus qu'une accumulation de disputes, de cynisme masculin et de pathétique féminin.
Certainement inspiré en partie de sa vie privée et de sa relation sulfureuse avec la splendide Ingrid Bergman, Voyage en Italie demeure un film maîtrisé de bout en bout malgré la liberté grande que Rossellini s'octroie, mais reste au second plan dans sa filmographie.