Voir un film de Rossellini en plein milieu du brouillard culturel et métaphysique dans lequel nous nous débattons en ce début de XXIè siècle (surtout un chef d’œuvre aussi sec et magistral que ce "Voyage en Italie") permet de mesurer ce que l'on a perdu depuis - au moins en Occident, le cinéma asiatique réussissant encore à faire ce cinéma-là - en modernité autant qu'en force d'incarnation. Modernité car la manière qu'a Rossellini de "montrer" l'essentiel à travers le filmage frontal de personnages qui ne font que "agir" (visiter des musées, aller à des fêtes, explorer des ruines, conduire en ville) renvoie à leur médiocrité beaucoup de films actuels, boursouflés et prétentieux. Force d'incarnation, car Rossellini nous parle ici, sans jamais baisser les yeux, de la grâce, du miracle, de la révélation... de l'Amour, comme s'il nous parlait de la Foi : en filmant la beauté des statues, les corps réapparus d'un couple enseveli à Pompei, ou une procession qui tourne à l'hystérie collective, l'Amour prend Chair. Et c'est bouleversant. [Critique écrite en 2006]