1949, un scandale très people souffle sur le milieu du 7ème art, Roberto Rossellini quitte Anna Magnani sa muse et maîtresse, pour planter ses griffes sur la belle et falote, au moins en apparence, star montante d’Hollywood, Ingrid Bergman. L’affront se veut plus terrible encore puisque le réalisateur très en vogue de « Rome ville ouverte » ou « Païsa » décide d’attribuer le rôle de son prochain film, « Stromboli » écrit pour la Magnani à la jeune actrice. La guerre des volcans commence, puisque Magnani décide de faire tourner elle aussi un film dans les îles Eoliennes sur un sujet similaire. Le film s’intitulera « Volcano ». Cette incroyable anecdote, qui a en son temps fait couler beaucoup d’encre, a été intelligemment restituée par Guillaume François Lorrain dans son roman «L’année des volcans» en 2014.
La coulée de bave estompée (tous trois ayant été sévèrement moqués à l’époque), que reste t-il de ces deux oeuvres 65 ans après ? « Stromboli » l’un des moins bons films de son auteur, dénote totalement avec son savoir faire habituel et est aisément dispensable. Qu’en est-il de « Vulcano » qui nous occupe ici ? Il l’est tout autant…
Tous deux ont en communs, de bien imprégner le spectateur de la difficile vie insulaire, partagée entre la pêche, le dénuement et l’incertitude pesante et la peur du réveil du volcan. A Vulcano qui se désertifie, personne ne vient, ni n’y revient à part pour se marier et repartir aussitôt ou alors entre quatre planches.
William Dieterle, que l’on a connu plus inspiré (« Le portrait de Jenny ») se conforme à un cahier des charges bien établi. Autour de la Magnani (elle était aux commandes !), il décompose son récit entre la terrible destinée de Maddalena et des scènes de genres. Il y inclut donc un certain nombre de moments aquatiques (pêche à l’espadon ou aux thons) ou sous-marines (quête d’un trésor) plutôt bien rendues et vivantes. De même, la fête de la Saint Antoine, nous livre une vision très foisonnante et festive de l’Italie, et, où la star italienne pousse d’ailleurs la chansonnette !
Côté drame, Maddalena, la pécheresse (au sens propre comme au figuré) se voit consignée par la justice, compte-tenu de ses mœurs dissolues, sur son île natale, où elle retrouve sa sœur et son frère. 18 années se sont écoulées depuis sa dernière visite, rien pourtant n’a vraiment changé, excepté l’accueil de la population qui la rejette en bloc. Et quand sa sœur Maria va rencontrer Donato, un jeune aventurier douteux, elle voit le passé ressurgir et n’aura de cesse de vouloir épargner à sa sœur le même destin bafoué que le sien.
Le parallèle entre Maddalena et Marie Madeleine est un peu lourdaud, cette femme dont le repentir n’a d’égal que le bonheur qu’elle souhaite pour sa cadette (le frère disparait très vite de l’histoire), Telle le Christ, elle marche pieds nus dans un désert pour entendre la bonne parole, ne cesse de tendre l’autre joue, et ses litanies pleines de sagesse coulent à tout va. A un tel niveau on frise le ridicule. Quand à l’intrigue autour de Donato, elle semble cousue de fils blancs, et est très mal amenée. « Vulcano » est l’archétype du mélo populaire noyé par des plages musicales au paroxysme. Là où le personnage pouvait s’émanciper et grandir aux yeux des autres, Dieterle la victimise jusqu’au sacrifice.
Tout n’est cependant pas mauvais. L’utilisation pertinente des décors naturels intensifie l’action (la mine de pierres ponce et ses coulées de poussière, l’aridité volcanique, la mer…). Très intense également le moment où toutes les femmes du village refusent à Maddalena le droit d’entrée à l’église et la diatribe qui en suivra.
Mais on peut le dire sans méchanceté, s’il n’y avait pas la présence incandescente d’Anna Magnani, et celle pleine de fraicheur de Géraldine Brooks, « Vulcano » serait aussi éteint que les massifs d’Auvergne.