Wall-E
7.7
Wall-E

Long-métrage d'animation de Andrew Stanton (2008)

Avec son horizon fait de déchets plusieurs fois centenaires, notre chère planète ne vaut plus grand chose dans Wall-E. Irrespirable, laide, agitée de spots publicitaires sans plus aucun récepteur, la belle bleue est pourrie jusqu'aux racines. Petit robot condamné à la même tâche ingrate (ramasser, compresser, ranger), Wall-E passe le balai, seul, dernier témoin d'une Humanité en fuite. Il en est pourtant l'archiviste, gardant pour sa petite personne des objets récupérés au fil des jours. Parmi eux, un film en technicolor dont il ne reste qu'un extrait, passage chanté dont il apprend jusqu'aux mouvements. De temps à autre, un cafard lui tient compagnie. Duo improbable aux actions limitées. Wall-E est isolé, et la caractérisation fonctionne grâce à nos propres reliques : un soutien-gorge, un briquet, une ampoule...


Objets inutiles pour un robot. Mais cette façon qu'il a de collecter les déchets va de pair avec sa manie d'appréhender ce qu'il reste de ses créateurs. L'ancestral jeu vidéo Ping Pong, dont il est fan, devient ici le vecteur d'un questionnement simple mais essentiel : à quoi bon avancer seul ? Tout le long-métrage n'est qu'une longue main tendue vers l'Autre, le partenaire de jeu, la compagne. Tombé amoureux de la sonde Eve, référence biblique évidente qui prône l'air de rien une renaissance de l'humanité par la rencontre de machines devenues plus humaines que leurs concepteurs, Wall-E n'aura de cesse de suivre ses traces. Une main tendue, perpétuellement, vers l'élue de ses circuits. Héros malgré lui, Wall-E s'accomplit dans l'action. Le film qui l'entoure, bijou chorégraphique, se fait alors chanson de geste.


Arrivé sur le vaisseau où nous avons trouvé refuge (baptisé Axiome, pied-de-nez pathétique de ses concepteurs à une situation qu'ils ne peuvent maîtriser), Wall-E y découvre une humanité apatride et pourtant satisfaite de son quotidien en circuit fermé. Incapables de nous déplacer sans siège aéroglisseur, nous voilà tous ronds, gras, et donc égaux dans l'apathie générale. Mais rien ne dévie l'éboueur de son objectif : courir à perdre haleine derrière celle qui lui aura, le temps d'une apparition, donné un nouvel objectif. Quitte à mettre le boxon au sein du nouvel ordre établi, réplique confortable, désespérante, du système qui a enlevé son droit du sol à nos congénères.


On vous dira que l'écologie, c'est à la mode, et que se ruer voir un film pareil revient à se payer le Blu Ray collector d'Avatar, que c'est faire acte d'éco-consumérisme, que les actionnaires de Disney se fichent bien des résonances philosophiques des produits qu'ils financent. Certes, le cinéma est une industrie mais basée sur des prototypes, où toutes les créations diffèrent. Ainsi, placée entre les mains d'artistes conscients, une montagne de fric peut se transformer en mine d'or émotionnelle. La virtuosité hallucinante de Wall-E, corollaire d'une ligne de conduite dont la bonté d'âme file aussi droit que le découpage des meilleures comédies burlesques, ne cesse jamais de surprendre et d'émerveiller.


Aujourd'hui moins inspirée, la maison Pixar aura su, pendant 15 ans, répondre aux fantasmes les plus vifs des cinéphiles. Grâce à eux, nous jouets ont enfin prit vie dans trois comédies d'action majeures, les monstres du placard ont ouvert les portes enfouies de nos cauchemars d'enfants, l'appel du voyage, propre à la jeunesse, aura fait d'un vieillard le digne héritier des aventuriers de Skull Island, et surtout, les super-héros se sont vu anoblis de la plus spectaculaire des manières...


Habité par un dynamisme viscéralement jouissif et une construction scénique qui tire le meilleur parti des libertés offertes par l'animation, Wall-E en profita pour s'imposer comme un summum de divertissement, touché par la grâce d'une mise en scène à faire pleurer la concurrence. Le tout au service d'un propos global qui nécessitait le génie comique de Pixar afin d'éviter la niaiserie : tendre la main vers l'autre, qu'il soit notre semblable ou notre avatar, un proche ou un inconnu, est le premier pas vers un monde meilleur.


Wall-E, c'est le salut des hommes concentré en une petite plante, un pas de deux sous une pluie d'étoiles. M'en voulez pas, mais quand un film assène un message aussi sain avec une telle puissance, un tel rythme et une telle compréhension du medium cinéma, j'ai juste envie de rayer le mot "cynisme" du dictionnaire. Un petit Disney gentiment écolo ? L'un des meilleurs films post-apocalyptiques de la décennie passée, oui.

Fritz_the_Cat
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films d'animation Pixar

Créée

le 25 oct. 2014

Critique lue 1.3K fois

62 j'aime

13 commentaires

Fritz_the_Cat

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

62
13

D'autres avis sur Wall-E

Wall-E
MrShuffle
9

Critique à plusiseurs

Ecrit avec Babymelaw et d'autres gens qui sont pas là. Un début grandiose, à la fois apocalyptique et émouvant, qui nous touche en plein coeur. Wall-E est un robot aux allures d'enfant, seul sur une...

le 16 juil. 2010

91 j'aime

7

Wall-E
Embrouille
9

Critique de Wall-E par Embrouille

Wall-E, c'est l'histoire d'un petit robot, chargé de nettoyer la Terre, qui rencontre un autre petit robot, Ève. Je dois dire que j'ai été subjugué par ce film. Toute la première partie, qui se passe...

le 6 juil. 2012

85 j'aime

3

Wall-E
zombiraptor
9

Sauvez Wall-E

Putain, y a un Pixar que j'ai adoré... j'en reviens pas moi même... Wall-E est un film qui se passe glorieusement de tout ce que je déteste en général chez les longs métrages de ce studio. Pas de...

le 16 nov. 2013

76 j'aime

27

Du même critique

Eternal Sunshine of the Spotless Mind
Fritz_the_Cat
9

La Prochaine fois je viserai le coeur

Ca tient à si peu de choses, en fait. Un drap qui se soulève, le bruit de pieds nus qui claquent sur le sol, une mèche de cheveux égarée sur une serviette, un haut de pyjama qui traîne, un texto...

le 4 sept. 2022

227 j'aime

34

Lucy
Fritz_the_Cat
3

Le cinéma de Durendal, Besson, la vie

Critique tapée à chaud, j'ai pas forcément l'habitude, pardonnez le bazar. Mais à film vite fait, réponse expédiée. Personne n'est dupe, le marketing peut faire et défaire un film. Vaste fumisterie,...

le 9 août 2014

220 j'aime

97

Le Loup de Wall Street
Fritz_the_Cat
9

Freaks

Rendre attachants les êtres détestables, faire de gangsters ultra-violents des figures tragiques qui questionnent l'humain, cela a toujours été le credo de Martin Scorsese. Loin des rues de New-York,...

le 25 déc. 2013

217 j'aime

14