AMERICAN IDIOT

Réalisé par David Michod (l'excellent Animal Kingdom mais aussi l'intéressant mais le très chiant The Rover), le projet War Machine doit son salut à la ténacité de sa star et à la politique agressive de Netflix qui cherche à s'offrir de prestigieuses productions maisons (Okja, le prochain Bong Joon Ho dont la présentation à Cannes a fait polémique, The Irishman l'arlésienne de Scorcese ou encore Bright, la nouvelle collaboration entre David Ayer et Will Smith). En effet, le potentiel commercial du projet n'avait rien d'évident, la satire politique n'ayant pas particulièrement la côte auprès des majors hollywoodienne.

Le métrage démarre sous de très bons auspices avec une voix-off très scorcesienne qui propose une plongée rythmée dans les arcanes du haut-commandement américain et qui introduit une galerie de troufions essentiellement caractérisés par leur arrogance et un patriotisme sans faille. En tête, on trouve évidemment le général interprété par Brad Pitt : sorte de rejeton narcissique du lieutenant Aldo Raine et de George W.Bush auxquels il emprunte un accent à couper au couteau et une intelligence limitée. L'acteur joue les abrutis avec un enthousiasme communicatif et force volontairement le trait jusque dans la gestuelle de son personnage.
Son jeu outrancier est d'ailleurs en décalage avec le reste du métrage qui se révèle plutôt tiède: ainsi, Michod entreprend une critique de interventionnisme de l'oncle Sam en prenant le point de vue de ses agents les plus zélés. La démarche est très pertinente mais ne montre rien que l'amateur moyen de géopolitique ne sache déjà : gaspillage de ressources humaines et financières, mépris pour les partenaires internationaux, paternalisme hypocrite vis à vis des autorités locales qui sont d'ailleurs incompétentes ( Ben Kingsley brillant en président je m'en foutiste), défiance vis à vis des autochtones etc.
Le seul aspect vraiment intéressant de ce réquisitoire réside dans l'ancrage du récit dans le réel et dans la critique frontale de l'administration Obama, montrée comme étant tout aussi belliqueuse et incapable que les précédentes...
Néanmoins, cela n'empêche pas la narration de tourner en rond au bout d'une heure et on se dit qu'il manque au film de Michod la folie d'un Tropic Thunder pour être vraiment fun.

War Machine n'est jamais vraiment drôle et on finit par se demander si le cinéaste australien n'est pas plus intéressé par la dimension dramatique de son intrigue comme en témoigne l'unique scène de guerre qui concentre tous les enjeux de l'histoire et qui marque une rupture totale avec tout ce qui a précédé, comme si l'auteur nous disait finalement que non, la politique du " Big Stick" à l'américaine n'a rien de marrant ! C'est aussi le moment où le talent de metteur en scène de Michod est le plus visible à l'écran tant il s'avère doué pour construire une tension implacable.

En conclusion, War Machine vise juste mais a le cul entre deux chaises : pas assez hilarant et enlevé pour divertir totalement et pas assez sombre pour être considéré comme une "dramédie". Il y
avait pourtant un équilibre à trouver dans la lignée de ce que les frères Coen on fait avec Burn After Reading et l'absence de parti-pris finit par minorer l'impact de la charge politique malgré l'abattage des comédiens.
Un film sympathique mais qui ne fera pas date.