Bill a un petit tatouage sur la joue, un sobre trait noir en forme de cœur fissuré. Ce détail physique n'est pas anecdotique, nous allons suivre des personnages au cœur brisé, des adolescents avec des problèmes d'adultes ou abandonnés par les adultes : trouver un boulot (souvent des plans foireux et mal négociés), s'occuper de ses enfants (Bill en a deux, déjà), essayer de mûrir mais aussi de s'amuser un peu... Entre insouciance et maturité précoce, l'ambiance est d'office ambigüe, dès le territoire autochtone amérindien et jusqu'à la fête d'halloween finale. Matho, 12 ans, quasi abandonné par son père et entouré de ses amis, essaie d'être clean, mais la vie est rude, son visage est déjà balafré. On suit ces deux garçons en chassé croisé. Tous les jeunes, même secondaires, sont marginaux et mal à l'aise, dans cette situation identique d'abandon social. L'esthétique du film, claire-obscure, reflète ces malaises tragiques et le film revêt sa mélancolie juvénile à merveille, avec des touches de gaieté et de court bonheur, car ces cœurs brisés ne demandent qu'à être recollés... Le film, d'ailleurs, finit par recoller ces deux garçons l'un à l'autre, dans le paysage matinal en clair-obscur et une ambiance aigre-douce. L'aigre douceur, c'est cela qui gouverne le film de bout en bout, et c'est d'elle qu'émane son charme puissant (les acteurs sont magnétiques dans leur simplicité). War pony, Caméra d'or au festival de Cannes 2022, est un des plus beau film sur l'adolescence de ces dernières années (à côté de Licorice pizza et Armageddon time, qui arrivaient eux aussi à faire jongler le doux et l'amer et à réparer les cœurs ébréchés).